LES ANNEES ECOULEES (souvenirs militants des fifties aux sixties)

Publié le par Jean-Louis Roche

LES ANNEES ECOULEEES[1]


par Lucien Laugier 

 

A la réflexion générale, c’est un trait de mon caractère – ou un travers, comme on le voudra : j’ai toujours été porté à me ressasser le passé. Là réside sans doute la raison la plus profonde de la longue narration que j’entreprends ici. Il y existe sans doute d’autres motifs, et de premier ordre, plus particulièrement ceux qui concernent le sujet choisi : celui d’un mouvement, d’une tradition en voie d’extinction. Mais avant d’aborder ce côté-là de la chose, il était honnête de confesser une tendance, passablement morbide, dont j’ai reconnu l’existence en moi depuis très longtemps, au moins depuis ma quinzième année. Dès cette époque, j’ai été frappé par le fait que le présent, tout présent, aussi banal et taciturne qu’il soit, était appelé à prendre dans mon souvenir la même auréole mystérieuse et enjolivée que celle que le temps avait déjà conféré à ses prédécesseurs. J’ai toujours pratiqué la réminiscence comme le rappel d’une période révolue et parce que telle meilleure que celle du moment ;

 

En ce qui me concerne, l’objet des présentes pages, ce phénomène s’entoure de nuances plus subtiles. C’est toujours avec un petit pincement de cœur que je pense aux années écoulées et principalement à celles consacrées à mon activité politique passée. Mais je n’éprouve aucune nostalgie réelle à leur égard : ce pincement provient uniquement de la sensation du temps irrémédiablement passé. Je crois bien avoir deviné que c’est le mouvement de fuite des jours, et non leur contenu souvent à tort regretté qui crée la tristesse de la vieillesse. Comme s’il s’agissait de voyageurs en chemin de fer : ils croient être attendris et émus par les paysages qu’ils voient s’évanouir par la portière, alors qu’ils le sont avant tout par le doux bercement sous lequel le train dissimule le caractère inexorable de sa progression. Le phénomène est à ce point intime et spontané qu’il produit un véritable transfert sur lequel on s’abuse : on croit regretter tel ou tel fait, découvrir un charme irremplaçable dans le souvenir d’un moment déterminé, alors qu’on obéit à la crainte inconsciente de la mort, irremplaçable lorsqu’il s’agit de conférer à ces traits et mouvements le prestige usurpé des saisons perdues.

 

Il en est ainsi même de ces mornes séquences de notre « vie politique » dans les années d’après-guerre. Nous étions 3 ou 4 au maximum. Nous nous réunissions dans une cave de bistrot qui puait la pisse de chat. Nous ressassions notre impuissance et nos désillusions. Ce que nous disions était aride, ingrat, incompréhensible à tout un chacun. Rien de réel n’apportait l’ombre d’un encouragement à nos vagues perspectives. Et pourtant il me semble aujourd’hui que cette gesticulation médiocre et falote fournissait la preuve d’une lueur d’espérance qui n’existe plus désormais. Le plus amer, dans une telle disparition, c’est que cet espoir s’est éteint après sa plus fulgurante des résurrections sur la fin des années 60. Comme si la dernière chance de changer le monde s’était envolée après un aussi sublime embrasement !

 

Mais sur ce point je reviendrai. Il est temps de présenter mon sujet et d’évoquer les raisons de ce récit autres que pour goût pour la restitution du passé. L’histoire que je vais raconter est celle d’un groupuscule mais d’un groupuscule sensiblement différent de ceux auxquels on pense en utilisant un tel terme devenu courant dans la presse politique et le journalisme en général.

Son succès, ce mot le doit peut-être à la trouvaille des jeunes manifestants du quartier latin en mai 68. En riposte ironique à l’appellation méprisante dont les avaient gratifiés, la veille encore, les journaux staliniens, les étudiants parisiens, défilant en masses compactes, se comptant par milliers, hurlaient alors : « Nous ne sommes que des groupuscules ».

 

Malgré ce gonflement éphémère et inattendu, les groupes gauchistes, quoiqu’ayant maintenu plusieurs mois leur accroissement numérique considérable, retombèrent par la suite à leur vraie dimension « historique », celle de « minorités » dont le volume et l’influence restent infimes comparés à ceux des grands partis et syndicats ouvriers. (…)

 

 

LES GUERRES MODERNES

 

Il me semble qu’il s’agit là de l’écroulement de tout un pan de l’idéologie socialisante qui prévalait en la matière depuis l’avènement de la démocratie bourgeoise. Les guerres modernes, en dépit de leur cortège atroce et infâme de « guérillas », n’ont rien à voir avec les guerres « justes », les guerres révolutionnaires selon Lénine[2], rien de commun non plus avec ces levées de sans-culottes de 1793 dont le souvenir faisait venir les larmes aux yeux du stalinien Marcel Cachin. Ce sont des guerres totales, de destruction et d’extermination absolues. Leur admission de principe a priori dans certains cas (en réalité toute guerre à venir invoquera de tels cas : défense des libertés, respect des droits de l’homme, etc.) n’est que le triste camouflage de la résignation au pire. Je crois avoir trouvé un aveu involontaire de cette débâcle des seules valeurs acceptables du monde occidentale dans la bouche d’un de ses plus talentueux représentants. Au début de 1984, Claude Lévy-Strauss était interviewé à la télévision. A son interlocuteur qui s’étonnait de ne pas l’entendre parler d’engagement politique, l’ethnologue répondit en substance : « J’ai été politiquement engagé dans ma jeunesse, étant responsable SFIO. Mais en tant qu’’homme de science, je pense qu’on doit abandonner une discipline lorsqu’on y a commis une erreur très grave. Cette erreur, en politique, je l’ai commise parce que j’ai été pacifiste ». J’ai cependant trouvé cet exemple significatif parce qu’il s’agit d’un savant, individu qui, théoriquement, pourrait s’élever au-dessus d’une motivation passionnelle dont le ciment historique n’est que le malheur et la base concrète strictement une Raison d’Etat. Cette force idéologique multiforme de l’antifascisme a d’ailleurs été telle que, non seulement les rares pacifistes d’avant 1939 n’ont pas eu de successeurs, mais qu’ils ont dû se repentir, à la façon de Cl. Levy-Strauss, de leur « pacifisme de jeunesse ». Et s’ils ne l’ont pas fait de leur vivant, leurs héritiers s’en sont chargés après leur mort[3].

C’est précisément en raison de tels repentirs, dus en premier lieu évidemment à l’échec du pacifisme de l’entre-deux guerres que les bases malsaines et frauduleuses des innombrables reconversions au bellicisme opérées durant la guerre doivent être révélées. Il est trop facile de s’en tenir aux truismes qu’affectionneraient certainement mes ex-camarades : il est fatal, diraient-ils, que les grandes supercheries de la société bourgeoise sortent renforcées de toutes les épreuves historiques dès lors que la bourgeoisie reste mondialement dominante à leur issue. Je trouve ce raisonnement par trop simpliste. La société capitaliste, bien qu’ayant terminé la guerre dans une euphorie qui ne redoutait aucune situation révolutionnaire comparable à celle de 1919, n’en a pas moins cessé d’être secouée par des crises répétées et inquiétantes. Le boom de la « prospérité », que le carnage et les destructions de 1939-45 avaient rendu possible, ne dura guère, en fait une quinzaine d’années. Avant même la crise économique proprement dite – celle qu’a déclenché le « choc pétrolier » de 1973 – cette société a vu ses structures  et « valeurs » fondamentales de plus en plus profondément érodées par les résultats de son productivisme effréné. Tous ses mythes et croyances séculaires concernant la famille, le travail, la réussite sociale, etc. sont depuis en voie d’effritement. Ce processus de désintégration que nous définissions il y a vingt ans comme celui d’une société qui « pourrit sur pied », nous l’attendions comme la condition indispensable du réveil du prolétariat jusque là anesthésié par la prospérité capitaliste. La moitié décisive de notre prévision ne s’est pas réalisée : la crise du capitalisme est là mais non pas la montée révolutionnaire. Il y a même, après le reflux de la vague iconoclaste de 1968-69, comme un retour en force des « mystifications » dont j’ai parlé plus haut. La panique due à la crise et au chômage permet aux sphères dirigeantes, puissamment aidées en cela par les syndicats et partis « ouvriers », de spéculer sur la multiplication des foyers de guerre afin d’accréditer les vieux mensonges et les fausses solutions un moment démasqués par l’insurrection de la jeunesse. Pis encore, la révolte de cette dernière n’a même pas laissé en héritage quelque lucidité historique. O ironie ! La crise a ramené les « conditions objectives » de la révolte sociale mais après épuisement de son ultime « condition objective ». (…) Aussi la désillusion et le désarroi ont-ils vite pris la place de l’enthousiasme et de l’audace. On a cru la révolution imminente, on ne la croit plus jamais possible. Dans l’amertume des réflexions rétrospectives, la conviction d’il y a 50 ans ne suscite plus qu’amère dérision : ses bases pratiques et théoriques sont jugées tellement précaires qu’on trouve que sa disparition va de soi. On néglige surtout le fait qu’il a tout de même fallu, pour en venir à bout, tout un chapelet de fautes, de reniements et de trahisons dans le camp prolétarien.

Reprendre ce chapelet si longtemps déjà égrené, c’est pour moi une question de méthode : il me semble qu’on n’a guère de chance de faire face au présent, et a fortiori à l’avenir, si l’on ne réexamine pas le passé en s’efforçant de le comprendre au maximum. Qu’on satisfasse ou non cette réponse quant à l’utilité ou non d’une telle analyse, est ici finalement secondaire. Je ne dispose guère que d’un argument à l’appui de ma méthode, mais il est péremptoire : ce type « d’activité » est la seule chose qui me reste à faire ; c’est cela ou rien du tout, dans mon cas un vrai suicide moral…

 

LE MOUVEMENT OUVRIER MODERNE

 

… Je ne prendrai pas la peine de réfuter ici l’impudence des partis « ouvriers » qui prétendent, aujourd’hui encore y répondre (au dit socialisme, note de JLR). Il n’est pas une page du récit qui va suivre qui n’oppose le démenti le plus formel à une telle affirmation. Tous ces partis, sans exception, affichent des projets qui concernent ouvertement la gestion de la société « présente », de la société telle qu’elle est et se développe, et ils avancent des programmes qui ne dissimulent en rien leur désir de perpétrer indéfiniment ce monde d’horreur et d’injustice. Ces partis se sont dénaturés au cours de leur histoire et, sans doute, est-il plus utile de rappeler les moments caractéristiques de cette dénaturation que d’en décrire les conséquences banales et écoeurantes que l’on peut percevoir à tout instant.

 

Le mouvement ouvrier moderne est le produit du XIXe siècle : ce que ce siècle avait fait naître et développé, le XXe l’a conduit de son apogée à son déclin. A cette déchéance finale, sociologues, philosophes et autres « spécialistes » ont découvert mille raisons, dont la plus apparente mais aussi la plus banale, réside dans l’amélioration des conditions de vie des travailleurs salariés, amélioration directement imputable à l’extraordinaire accroissement de la productivité du travail. Je ne veux pas m’occuper ici de cette façon d’aborder le problème. De toute façon, l’expansionnisme forcené du milieu de ce siècle et ses conséquences incommensurables sur le plan de la réduction du « travail nécessaire », découlent de l’effroyable saignée de 1939-45, de ses ruines et destructions qui ont redonné à la production capitaliste une impulsion hallucinante : même sous l’angle de la « corruption économique du prolétaire », la guerre reste au centre de l’involution du mouvement ouvrier. Mais elle y joue un rôle déterminant d’abord du point de vue historique, en tant que fait politique ayant détourné ce mouvement du but initial qu’il s’était fixé. Ce que certains ont appelé « l’embourgeoisement du prolétariat », ne résulta donc pas simplement de l’évolution de la technique productive et des modifications de la répartition sociale des produits. Ce n’est surtout pas un processus rectiligne dont on pourrait suivre le tracé à la lecture des courbes mondiales de production. Ce processus est jalonné de crises politiques du mouvement ouvrier lui-même, dont les deux plus graves furent consécutives aux attitudes successives et contradictoires adoptées par les partis et syndicats ouvriers face à l’éclatement de chacune des deux guerres mondiales. Dans chaque cas, en 1939 comme en 1914, l’organisation ouvrière la plus importante capitula devant les exigences bellicistes du capitalisme en tant que système mondial. (…)

 

C’est contre cette œuvre des partis staliniens, encore renforcés dans l’immédiate après-guerre, qu’essaye de lutter le groupement auquel j’adhérai vers 1950. Je dois répéter ce qui fut le mobile déterminant de cette adhésion : il s’agissait du seul groupement existant alors qui se refusât à admettre qu’une quelconque perspective révolutionnaire fut compatible avec l’acception du principe de la Seconde Guerre mondiale, du seul groupement aux yeux duquel le simple acquiescement à l’égard des motifs invoqués par les belligérants de cette guerre, constituât un reniement total des positions marxistes et révolutionnaires.  (…) Rien ne serait donc intelligible dans mon témoignage si je n’expliquais pas pourquoi, à mes yeux, la préparation du Second conflit mondial, son éclatement, et même la « victoire démocratique » par laquelle il s’acheva, constituent pour la cause de la révolution et du socialisme, sa plus grande défaite historique et peut être sa défaite irrémédiable. (…)

 

La militarisation matérielle et morale du Reich eût été impossible sans la préalable mise hors de combat  du prolétariat allemand dont al défaite sans lutte fît apparaître pour la première fois l’assujettissement de la politique de la IIIe Internationale à la diplomatie soviétique. C’est à paryir de cette date qu’il devint flagrant que Moscou dictait à chacune de ses organisations existant en pays occidental la politique convenant le mieux, non pas à la préparation de la révolution mondiale, non pas au renforcement des liens internationalistes de la classe ouvrière, mais aux intérêts de l’Etat russe qui, à marche forcée, se construisait un « capital national » payé à la fois par la misère des paysans et des ouvriers  soviétiques et par la division et l’impuissance des travailleurs du monde entier. (…)

 

Notre interrogation d’après-guerre n’était pourtant pas un acte de spéculation intellectuelle. Elle impliquait de notre part un combat réel, même si nous ne disposions que de moyens dérisoires ne suscitant que mépris ou hilarité. Nous pensions fermement que notre propagande, et notre participation aux luttes ouvrières partout où elle serait possible, aideraient à ce que nous appelions alors la « prise de conscience » du prolétariat. Peu ou prou nous sommes parvenus à obtenir une certaine audience, à intervenir en quelques lieux du monde du travail. Nous avons donc effectivement engagé ce combat. Et nous l’avons perdu. Non pas par la faute de l’extrême modicité de notre force et de notre influence, non pas également parce que nos prévisions catastrophiques quant à l’avenir du capitalisme ne se sont pas vérifiées, mais au contraire parce qu’elles se sont réalisées sans entrainer les conséquences que nous en attendions. Nous avons cru dur comme fer que la crise entrainerait le réveil du mouvement révolutionnaire et, surtout, ressusciterai la lucidité des masses. En ce qui me concerne particulièrement, je n’en ai jamais escompté davantage et surtout pas, comme le pensaient certains d’entre nous, que nos efforts dérisoires parviendraient à faire surgir un parti prolétarien aux dimensions comparables à celles des partis communistes originels dont nous voulions sauvegarder l’esprit. Mais je croyais fermement que la décennie 70 à 80 donnerait à l’agitation sociale une puissance et une clairvoyance qui balayeraient toutes les séquelles des précédentes erreurs et trahisons. C’est ce qui ne s’est pas réalisé : l’ironie de cet échec venant de ce que – autour de 1975, fatidique date que Bordiga fixait pour la crise – il s’est produit des bouleversements d’une violence inouïe sans qu’aucun d’entre eux satisfasse notre espoir vieux de 30 ans. Des grèves, des émeutes, et même des révolutions, il y en eût en chaîne, sans qu’aucun de ces événements rappelle ou annonce ce que les révolutionnaires de ma génération entendaient par « révolution ». Quelle qu’ait été la violence de ces secousses, c’est toujours l’organisation mondiale du capital qui en est sortie victorieuse et renforcée ; non seulement parce que rien n’a sérieusement ébranlé la stabilité étatique des grandes puissances qui dominent le monde, mais plus encore parce que, dans l’esprit des multitudes, y compris celles qui pâtissent le plus de cette domination, une conviction aberrante s’est ancrée selon laquelle c’est la production capitaliste (et elle seule, quelle que soit l’étiquette idéologique dont on l’affuble) qui peut assurer la meilleure vie humaine possible. (…)

 

La plupart des gens ne savent rien en histoire et particulièrement en histoire des partis politiques. Qu’on en tienne compte avant de me reprocher de remonter trop avant dans le temps en vue d’introduire le récit que j’entame plus loin. (…)

 

LA RENCONTRE AVEC LA GAUCHE INTERNATIONALISTE

 

Cette (la) convergence en direction de l’idéologie de guerre désormais partagée par tous les courants ex-internationalistes, fut pour moi le fait marquant de la période où la paix fût signée. Il était alors impossible de rencontrer une ancienne relation politique connue pour son intransigeance idéologique qui, d’une façon directe ou indirecte, n’ait pas pris part à la guerre, ou pour le moins accepté ses motifs officiels. Il ne paraissait guère possible que l’internationalisme reparût un jour. C’est dans cette disposition d’esprit que je fis la connaissance à cette époque d’un des anciens militants de la Gauche communiste italienne[4] - un groupement ultra-réduit dont j’ignorais jusque là l’existence et qui, à mon heureuse surprise, se prononçait catégoriquement contre toute justification idéologique de la guerre. Mais ce groupement sortait d’une crise interne qui avait éparpillé ses déjà maigres rangs ; il ne paraissait pas capable à mes yeux, de redonner vie à un mouvement radical. Je croyais pourtant devoir m’inspirer de ses positions dans une démarche de propagande même auprès d’éléments divers que j’avais découverts dans des milieux syndicaux de postiers qui, en 1945-46, s’étaient révélés hostiles à la politique productiviste et nationaliste de la CGT. Aux trotskistes, anarchistes, syndicalistes révolutionnaires et socialistes de gauche qui, directement ou indirectement, y exerçaient leur influence, le retour de la paix avait permis une certaine résurrection de leur anti-conformisme passé. Ils soutenaient des positions revendicatives, critiquaient l’attitude servile du PCF à l’égard du gouvernement, se scandalisaient de son rôle de garde-chiourme auprès des ouvriers, stigmatisaient son chauvinisme et s’efforçaient de lui opposer l’évocation de l’internationalisme traditionnel du mouvement ouvrier. Mais ils n’allaient jamais jusqu’au bout de leur critique et, surtout, se gardaient bien de mettre en cause le prétexte antifasciste de la Résistance et de la guerre.

 

Leur fiasco final survint lorsque le PCF repassa dans l’opposition, entrainant la CGT redevenue fomentatrice de grèves et de manifestations. Ce tournant, qui fut fatal à la plupart des anti-stalinismes hâtifs et ma étayés de cette époque, fut décisif pour mon expérience personnelle. Il précéda, et en grande mesure, détermina mon adhésion au groupement français de la Gauche communiste, sur l’origine duquel je reviendrai plus loin. Qu’il me suffise, pour l’instant, de préciser que cette expérience consacrant la stérilité du premier anti-stalinisme d’après guerre, fut aussi celle de l’échec de l’unique réaction ouvrière au programme de sacrifice imposé alors aux travailleurs par les deux grands partis « ouvriers » devenus « gérants loyaux du capitalisme ». L’astucieuse manœuvre qui, à l’occasion de la « guerre froide » survenue entre les Russes et les Américains, refit du PCF le champion des luttes ouvrières et fit oublier aux ouvriers ses deux années de participation au gouvernement tripartite, marque l’essoufflement et la récupération par la CGT des « grèves sauvages » jusque là déclenchées contre elle. Par voie de conséquence, ce fut aussi l’écroulement de la perspective échafaudée à la suite de ces grèves par diverses « minorités révolutionnaires », y compris le groupe parisien de la gauche communiste où survinrent à nouveau divergences et séparations. Ce groupement m’avait attiré parce qu’il était alors le seul à se réclamer de l’internationalisme prolétarien et à dénoncer le conflit « antifasciste » comme Seconde Guerre mondiale impérialiste. Ses propres vicissitudes furent pour moi une école où apprendre les difficultés insurmontables que rencontrait à cette époque toute velléité de faire vivre la grande tradition révolutionnaire. (…)

 

FORCES ET FAIBLESSES DU BORDIGUISME

 

On peut s’étonner qu’ayant connu l’existence et les positions de cette « gauche communiste » dès la fin de la guerre, je ne l’ai rejointe effectivement que vers 1951-52, et on peut donc douter de la réalité d’un élan dont j’affirme la naissance immédiate et spontanée. Le long délai que je me suis accordé avant d’adhérer au P.C.I. n’altère en rien pourtant la solidité de mes raisons de le faire. Peut-être, au contraire, les renforce-t-il ? Plusieurs années avant ma décision, l’analyse développée par al « gauche communiste » avait fait plus que me convaincre de sa véracité, elle avait porté un coup sérieux à ma vision pessimiste des choses, telle que la guerre et ses répugnants lendemains me l’avaient imposée. La notion même de « perspective historique » dont la débandade patriotique des partis ex-révolutionnaires m’avait arraché jusqu’à l’idée, avait retrouvé à mes yeux une progressive plausibilité.

Diverses raisons se conjuguèrent cependant et s’entremêlèrent qui empêchèrent mon adhésion « morale » au PCI de devenir immédiatement une adhésion « pratique ». Certaines trahissaient mon absence de courage face au climat de terreur idéologique qui régna dans les milieux syndicaux auxquels j’étais mêlé dans les mois qui suivirent la Libération : ce qui s’y passait m’indignait et me révoltait sans cesse ; mais je ne me sentais ni la vaillance du héros, ni la conviction du martyre qui me paraissait à l’époque indispensable à toute velléité de résistance au stalinisme tout puissant dans les syndicats – velléité constituant à mes yeux le minimum exigible d’un militant d’un parti révolutionnaire comme le PCI.

 

D’autres réticences, d’un ordre tout différent et d’effet diamétralement opposé, démontraient tout simplement la naïveté et la pauvreté de mon « expérience politique » d’alors. Après avoir cru définitive et sans appel la défaite du mouvement prolétarien, j’étais inconsciemment porté à croire à son rapide et prochain réveil simplement parce que j’avais découvert, en accord avec mes convictions, une « vérité historique », ignorée ou abandonnée par tous, mais miraculeusement conservée !

Le terrorisme idéologique dans la CGT se relâche quelque peu en 1946-47 et une opposition anti-stalinienne se développe alors chez les postiers – une corporation que certaines traditions et circonstances dont je parlerai à leur place chronologique, portaient à se rebiffer les premiers contre le régime d’austérité vigoureusement soutenu par les hommes de Thorez et leurs compères syndicaux. Cette opposition informe et éphémère, certainement bien incapable de ce que je pouvais attendre d’elle, j’imaginais, dans mon enthousiasme de néophyte révolutionnaire, qu’il fallait tout de suite l’infléchir dans le sens des positions de la « gauche communiste », et cela sans même prendre la peine de me renseigner sur les bases de principes et conditions d’action auxquels ces mêmes positions soumettaient tout projet semblable au mien. Je voulais convaincre plutôt qu’étudier ; je prétendais me faire comprendre des mécontents plutôt que de déchiffrer moi-même le contenu de leur mécontentement et ses inévitables limites.

 

Il est pourtant très probable que la cause principale de mes atermoiements ne résidait pas là ; ni dans les pusillanimités du début, ni dans mon « volontarisme » ultérieur. En effet, quand je me décidai à m’approcher enfin de cette « gauche communiste », c’était au moment même où éclatait sa première crise interne dont j’avais suivi de l’extérieur le mûrissement. Je n’en dirai ici que ce qui peut éclaircir les conditions de mon adhésion, tardive mais effective cette fois[5], au courant politique qui, après la scission du premier « parti communiste internationaliste » se regroupa autour de Bordiga sans véritablement changer de sigle. (…)

On disait sous cape que Brdiga avait trouvé prématurée la création du PCI (en 1946) et qu’il n’en avait même pas pris la carte. Les militants qui décidèrent cette création avaient voulu tout de suite reproduire le parti communiste de la grande époque de 1921 : ils avaient mis sur pied des fédérations, imprimé des cartes du parti avec l’emblème de la faucille et du marteau ; ils intitulaient leurs assemblées annuelles des congrès, etc. Très probablement Bordiga acceptait mal cette mégalomanie. En tout cas il semble bien que sa participation se limitait à la production des articles qu’il donnait à la revue théorique « Prometeo », dont le ton froidement lucide quant à l’impossibilité d’une reprise proche de la lutte révolutionnaire, contrastait avec les appels grandiloquents qui remplissaient les colonnes du journal du PCI, « Battaglia comunista ».

Cette différence de registre provenait d’une divergence longtemps insoupçonnée de la plupart des membres du parti. Elle ne leur devint évidente que sous l’effet répété des articles de Bordiga et seulement après que les faits eurent démenti leur optimisme du début. Il s’ensuivit une scission que je résumerai en m’appuyant sur des informations dont la révélation fut ultérieure à cette rupture[6]. (…)

 

Se détachant d’eux [7], Vercesi, un ancien de la « Gauche communiste », ayant émigré en Belgique où il avait formé un groupe adhérent au « PCI inter », se décida à cette époque à formuler diverses critiques destinées à réduire l’activité du parti à des dimensions plus modestes et plus proches des possibilités réelles. Cette initiative fut très mal reçue des autres membres du Comité central. La discussion tourna vite à l’aigre. Vercesi étant accusé de défaitisme et de volonté de liquider le parti. Prétendant y couper court, ses adversaires menèrent campagne pour convocation d’un « congrès extraordinaire » chargé de redresser la situation.

Les critiques avancées par Vercesi s’inspiraient indiscutablement du point de vue de Bordiga qui n’avait pas partagé l’aveuglement du début ni jamais cru que les insurrections populaires allaient fuser avec la fin de la guerre, comme cela s’était produit en 1917-19. Bien au contraire, il ne cachait pas que le triomphe de la contre-révolution avait été total, que les destructions dues à la guerre avaient redonné vie et impulsion au système capitaliste et qu’il faudrait la maturation d’une nouvelle crise de ce système pour qu’il fut possible de pronostiquer l’éclatement d’une révolution. S’il s’agissait de décrypter les conditions de cette crise, l’existence d’un organisation comme le « PC inter » pouvait être utile, mais à la condition que les militants ne se leurrent pas sur l’étendue de leurs possibilités d’action et, surtout, qu’ils ne se jouent pas la comédie du « grand parti » tenant ses « congrès » ordinaires ou extraordinaires, où ne pouvaient se manifester, selon Bordiga, que verbiage et forfanterie. Le récit détaillé du conflit désormais  ouvert au sein du « PC inter » tiendrait ici trop de place : je n’en donne que ce qui est indispensable pour expliquer l’effet qu’il exerça sur moi[8]. (…)

 

SUR LE MYTHE DE L’URSS

 

(…) Au début des années 50, les illusions chez les ouvriers étaient encore très grandes au sujet des merveilles du « socialisme » russe dont les staliniens entretenaient le mythe en invoquant en premier lieu la courbe ascendante des chiffres de production de l’URSS, à un moment où l’économie occidentale n’avait pas repris l’essor vertigineux de la décennie suivante. Preuves théoriques et pratiques en main, Bordiga dénonçait dans cette propagande un double mensonge : un mensonge doctrinal et un mensonge de fait. D’abord il n’est pas vrai que la croissance des chiffres de production soit un critère du socialisme, ce dernier selon Marx exigeant les capacités productives d’un capitalisme développé mais se distinguant essentiellement de tout autre système par le caractère non mercantile de la répartition du produit. Ensuite, il est clair qu’aucun autre pays n’aurait jamais connu une croissance économique semblable à celle de l’URSS de l’après guerre.

Aujourd’hui, toutes les illusions populaires concernant l’URSS sont perdues, aussi bien sur le bien être social que procure son « socialisme » que sur les mérites compétitifs de celui-ci dans la course mondiale aux chiffres élevés de production. Aussi l’intérêt de la démonstration de Bordiga a-t-il fortement pâli. Mais surtout une autre chose s’est aussi évanouie. Lutter comme le faisait Bordiga contre la propagande c’était implicitement considérer que l’efficacité de cette propagande constituait le principal obstacle au retour du prolétariat sur ses positions révolutionnaires traditionnelles. Or, depuis cette époque, les mensonges des dirigeants russes ont été officiellement reconnus, y compris par les successeurs de Staline, sans provoquer un tel retour. Bien des raisons peuvent l’expliquer. Mais l’imposture du « socialisme en un seul pays » était d’une telle envergure, il y a un quart de siècle, qu’il était difficile de l’imaginer démasquée sans que surviennent de redoutables remous parmi les masses qu’elle avait si longtemps enfluencées. Aussi le PCI accordait-il beaucoup de temps et de peine à rechercher et à mettre en évidence tous les détails et informations au travers desquels les dirigeants russes se voyaient amenés implicitement – quelques fois explicitement – à reconnaître qu’ils construisaient non pas le socialisme, mais le capitalisme. (…)

 

Dans la production de Bordiga, ce fût là le « Dialogue avec Staline », rapidement suivi, après la mort du vieux forban, du « Dialogue avec Staline », motivé par les déclarations encore plus révélatrices de son successeur, N. Krouchtchev. Bordiga expliquait alors le titre de cette seconde plaquette : la mort peut bien éliminer les révolutionnaires, massacrés dans les caves ou à la suite de procès truqués, mais non pas faire disparaître les problèmes qu’ils ont payés de leur vivant pour les avoir soulevés : la contre-révolution, de leur vivant, en niait l’existence mais ils renaissent tôt ou tard et, sous forme métaphorique, contraindre les renégats et bourreaux à reprendre le « dialogue » avec ceux dont ils ont tranché la tête ou percé la nuque.

Durant toute la seconde moitié des années 50, le PCI consacra beaucoup de son temps et de ses efforts à cette démolition du mythe du « socialisme russe ». Sur les résultats de ces efforts nous fondions alors beaucoup d’espoirs, sans doute plus que Bordiga lui-même. Il ne cessait en effet de répéter que la prochaine crise du capitalisme ne viendrait pas de ses secteurs « arriérés » (la Russie y étant comprise) et qu’elle ne naitrait pas d’une phase de « stagnation » de la production (comme le pensaient ceux de « Socialisme ou Barbarie ») mais qu’au contraire, elle éclaterait dans les centres de « surdéveloppement » et en leurs moments de surchauffe. (…)

 

Le plus important, chez le Bordiga des années 50 c’était son horreur du « volontarisme ». le monde a devant lui, disait-il en substance, au moins « une vingtaine d’années de prospérité », donc deux décennies sans possibilité de crise révolutionnaire en ses centres vitaux. Par contre, toutes les contradictions du capitalisme étant exportées à la périphérie, elles devaient obligatoirement y provoquer des révoltes en chaîne qui, à la longue, ne pouvaient que poser avec toujours plus d’acuité, le problème de « l’indépendance politique » pour les pays colonisés de l’Asie et de l’Afrique. En conséquence, Bordiga accordait une grande importance à ce qu’il dénommait, non sans quelque lyrisme, « l’ardent réveil des peuples de couleur », qu’un développement historique entravé contraignait à une lutte de « race » et non de « classe », même si elle mobilisait déjà d’importants contingents prolétariens.  (…) Toute cette perspective, bien évidemment, s’est vue infirmée lors des décennies suivantes ; le grand front révolutionnaire que le PCI espérait voir se nouer entre le prolétariat des grandes puissances impérialistes et les masses pauvres et affamées des ex-colonies, n’a pas connu l’ombre d’une réalisation. (…)

 

UNE ENIGME : LA QUESTION DE « BORDIGA »

 

Ce que Bordiga scrutait avec la plus exigeante attention c’était avant tout la manifestation des premiers symptômes de la nouvelle crise en gestation dans l’économie capitaliste – crise dont il attendait qu’elle mette définitivement un terme à la prostration semi-séculaire du prolétariat. Mais il ne pouvait pas ou ne voulait pas analyser l’effet des profondes transformations survenues dans la condition ouvrière et qui pouvaient avoir vidé le « prolétariat », tant dans la réalité que dans le concept, de sa traditionnelle charge subversive. Chez les révolutionnaires de la génération de Bordiga, la prise en compte de ces transformations avait toujours été le fait de personnalités « renonçant » à la perspective révolutionnaire. Elle était donc suspecte « a priori ». Peut-être aussi Bordiga n’avait jamais nourri aucune illusion quant aux caractéristiques subversives trop généreusement prêtées aux ouvriers de toutes les époques. Aussi n’était-il pas impressionné outre mesure par « quelques degrés de plus » atteints par l’effacement de ces caractéristiques. A ses yeux, la crise révolutionnaire était un phénomène si violent et si impétueux que comptait peu, face à elle, le degré d’apathie sociale réalisée jusque là par la précédente phase de prospérité capitaliste.

Pourtant, toujours aux yeux de Bordiga, le rôle essentiel du parti prolétarien consistait, non seulement à découvrir les signes précurseurs d’une telle crise, mais aussi la façon dont y réagissaient les fractions les plus combatives de la classe ouvrière. Bien que la perspective nourrie par le PCI prenne quelque vraisemblance, il fallait que soit vérifiée sa première condition implicite : la survivance, dans ces fractions, d’une partie au moins de la dynamique de prestige et de conviction créée quelques décennies plus tôt par la révolution d’Octobre. En d’autres termes, il fallait surtout que, par delà les vicissitudes de la pratique politique et syndicale du stalinisme, ait survécu chez les ouvriers ce que, faute de terme plus précis, nous avons longtemps appelé « l’instinct de classe ». Durant les années 60, qui connurent maints symptômes annonciateurs de crise sociale, cet « instinct » ne s’est nullement manifesté. Bien au contraire, les ouvriers de mai 68, prompts à accepter le marchandage proposé par leurs syndicats – quelques pour cent d’augmentation de salaire – contre l’indifférence sinon le désaveu, à l’égard de l’agitation étudiante, ils n’eurent envers le climat idéologique révolutionnaire de cette agitation que répulsion et dégoût.

Aussi longtemps que rien ne venait troubler le rituel revendicatif, que les partis et syndicats enfermaient dans un réformisme constitutionnaliste aussi inefficace que soporifique pour l’ordre social, on pouvait imputer à une sorte d’apathie historique l’obéissance servile que la plus grande partie des ouvriers témoignait à ces partis et syndicats. Mais dès lors que toute la vie économique et politique était perturbée, que des centaines de milliers de jeunes se mobilisaient dans une contestation active, que la grève généralisée paralysait le pays, et même que les sphères dirigeantes commençaient à donner des signes de panique, il n’était plus possible d’ignorer ce que signifiait le maintien par la totalité des travailleurs de leur « discipline ouvrière » à l’égard de l’action éminemment contre révolutionnaire du PCF et de la CGT : l’ajournement, pour de longues années, sinon des décennies, des possibilités du « réveil prolétarien » que nous avions si longtemps attendu.

Mai 68 n’était pas et ne pouvait pas être la révolution. Dans le PCI, nous en donnâmes des raisons que je ne désavoue pas aujourd’hui, j’y reviendrai plus loin. Malgré cela – et peut-être même à cause de cela – l’événement fut un grand exemple – et peut-être aussi le dernier – d’une situation où les catégories sociales sont contraintes de se prononcer sans équivoque pour ou contre la révolution. La « classe ouvrière » de 1968 s’est rangée dans le second camp et ce fut bien, pour nous, la négation en actes de toute survivance « d’instinct prolétarien ».

 

Pour en revenir à la tentative amorcée plus haut de caractérisation de la pensée et du tempérament politique de Bordiga, il est encore une fois difficile de savoir à quoi s’en tenir quant à ses réactions aux événements de la fin des années 60. Il est sûr qu’il fût, dès le début, très critique à l’égard de l’agitation étudiante et fortement sceptique sur son rôle de « détonateur » de la crise sociale. Mais il n’écrivit sur ce sujet que deux projets d’articles de presse, plus humoristiques que profonds. D’ailleurs, en 1968, Bordiga avait dû suspendre toute activité politique à la suite d’une congestion cérébrale survenue l’année précédente. Sa tentative de reprendre cette activité fin 1967 ne fit qu’aggraver son état général.

 

La perplexité dont j’ai fait état plus haut demeure donc entière faute de connaître ce qu’aurait pu être la réaction de Bordiga face au comportement aberrant des masses ouvrières lors des événements de mai 68. Tout à la veille de ces événements encore, il était cependant visible que le leader de la « Gauche italienne », expliquant par l’ampleur de la « contre-révolution » les profonds reculs subis par le mouvement ouvrier jusque dans ses moyens de lutte les plus élémentaires  (notamment les revendications immédiates, les grèves, les syndicats, etc.) répugnait à se pencher sur les résultats de ce recul, notamment sur ses effets quant à la psychologie des travailleurs, particulièrement des jeunes, de ceux qui avaient grandi dans des conditions matérielles et morales bien différentes de celles de leurs aînés. C’est une banalité de la doctrine marxiste : la classe exploitée, du fait de sa situation d’opprimée, de « dépendance », prend pour réalité objective ce qui n’est en fait que le déguisement pseudo-humanitaire de son exploitation. Ainsi le travailleur salarié croit-il que c’est le capital qui le fait vivre en lui fournissant du travail, et non son travail qui, en quelque sorte « fait vivre » le capital. Ce phénomène, Marx lui donne un nom curieux – la « réification » - que notre marxisme rudimentaire dans les rangs du PCI a longtemps ignoré. Peut-être les camarades plus armés théoriquement, et Bordiga lui-même, en maniaient-ils le contenu sans user du terme ? En tout cas je ne les ai jamais entendus l’expliciter.

 

Or, il est très probable que plus d’attention apportée à ce phénomène nous aurait mieux armés contre les déconvenues rencontrées par nos tentatives de propagande en milieu ouvrier. C’est sûrement sur ce terrain-là que se jouait la condition implicite du « réveil prolétarien » que nous attendions et à laquelle l’épreuve des événements n’a pas satisfait. Mais il existait aussi à ce réveil une condition « explicite » qui n’a pas davantage été remplie. Les tentatives de résurrection d’une lutte ouvrière autonome ne pouvaient réussir, selon Bordiga, qu’avec la résurrection parallèle des structures élémentaires du « parti de classe ». Si le PCI, comme nous le pensions, en était la préfiguration, il fallait donc qu’enflent considérablement les dimensions et les possibilités qui étaient les siennes sur la fin des années 60. Il est vrai qu’après mai 68 ses effectifs quintuplèrent pour le moins. Cette progression qui eût été prodigieuse ans la sombre décennie précédente demeurait pourtant bien inférieure à celle des groupes gauchistes ; et surtout, elle était hors de proportion avec la force qui aurait été nécessaire pour seulement contester l’autorité du stalinisme dans les syndicats et les grèves.

 

En considérant globalement les deux facteurs, objectif et subjectif de l’échec du PCI, je ne songe pas à reprocher à ceux qui le dirigeaient leur impuissance face à la tendance défavorable prise par la lutte sociale après les flambées des années 60. Mais ce qu’on aurait dû mettre en cause à ce sujet, c’est leur défaut de clairvoyance et l’invraisemblance de leur comportement. En effet, la crise économico-sociale, si elle ne s’est pas produite  dans les termes et avec les conséquences que nous avions formulées, n’en a pas moins éclaté en prenant progressivement une ampleur qui a dépassé toutes nos prévisions. En matière d’erreur dans les pronostics du PCI c’est sa « réponse » à cette explosion qui apparaît extrêmement faible et tout à fait hors de la réalité par rapport à l’événement. Vers 1973-74, cette crise (que Bordiga avait prévu pour l’année suivante) s’amorça sous le prétexte de l’augmentation du prix du pétrole, alors que le PCI était en état de déconfiture. J’appartenais au groupe qui se sépara du PCI fin 1971, donc nettement avant la            date fatidique assignée à la crise et je n’ai aucune responsabilité dans la façon dont le PCI subit un événement qui aurait dû combler ses vœux. Par contre, je partage, dans une certaine mesure, la responsabilité de ceux qui surent si mal affronter les symptômes précurseurs du désarroi interne au parti, et surtout, si mal interpréter l’événement de mai 68. Il ne s’agit pas aujourd’hui de se morfondre à propos de ce que le PCI, à cette date, ne sut pas ou ne put pas faire, mais d’essayer de percer les raisons de sa cécité de l’époque. Celle-ci provint en grande partie du fait que les événements de Mai se sont effectivement drapés dans les « anciennes apparences », qu’ils se sont effectivement manifestés sous la couverture des « vieux sigles », en un mot que ses protagonistes les plus en vue s’exprimaient, au moins en grande partie, dans le vieux discours contre lequel le PCI savait « avoir raison », comme il avait eu cent fois raison face aux fanfaronnades « gauchistes » - trotskystes, maoïstes et autres. Mais ce vieux discours masquait et travestissait un éclatement nouveau dont le PCI ne sut ni reconnaître le vrai contenu, ni déchiffrer la vraie signification.

 

Ceci ne veut pas dire que la crise sociale du printemps 68 nous ait réellement surpris. Nous avions déjà pensé que la lutte sociale radicale n’avait guère de chance de renaître qu’avec l’apparition d’une « nouvelle génération », une génération qui n’aurait pas connu ni la Seconde Guerre mondiale, ni son cortège d’hystéries idéologiques, qui n’aurait pas – écrivais-je en 1963[9] - « mangé du bôche à tous les repas ». (Plus tard, dans le même esprit, je rédigeais un article saluant avec enthousiasme la passion subversive d’une jeunesse dont certains éléments avaient déjà secoué l’envoûtement idéologique qui fut le carcan de leurs aînés durant près de deux décennies »[10].

 

Nous percevions donc, quoique de façon confuse, que la rébellion contre les « valeurs traditionnelles » ne verrait le jour qu’avec la venue à l’âge adulte d’une génération qui n’aurait pas été marquée, jusque dans son inconscient, par les horreurs de la guerre, qui n’aurait pas été tôt sevrée, en quelque sorte, de cette fronde innée dont la misère et la faim, les bombardements et les déportations, les répressions et les exterminations avaient privé de façon définitive les malchanceux nés autour des années 20. Cette rébellion survint effectivement vers le milieu des années 60. Elle nous surprit cependant par la façon imprévue et foudroyante dont elle rompit le cercle magique de tous les conformismes. Il nous semble que cette rupture dédaignait par trop les moyens les plus élémentaires et les plus classiques nécessaires à son développement et à sa consolidation. Nous qui avions tant peiné en faveur d’une lutte débordant le cadre étroit des revendications économiques immédiates, nous fûmes déconcertés par les exigences d’une jeunesse qui voulait « tout » et « tout de suite ». Il est vrai que mai 68 mêlait à une rédicalité vraiment nouvelle nombre de vieilleries idéologiques empruntées aux époques les plus décevantes de la revendication sociale. Cela rendit encore plus difficile pour nous la compréhension d’un mouvement qui, d’ailleurs, ne révéla toute la profondeur de son entreprise que « bien » après son déroulement.

Quoiqu’il en soit, c’est à partir de mai 68 que l’usure et l’inadéquation du « bagage théorique » du PCI commencèrent à devenir perceptibles, et ce d’une façon d’autant plus frappante qu’on ne pouvait imputer le marasme interne grandissant à aucune infraction de principe, comme on avait pu le faire avec un certain soulagement à la charge de « dissidences » qui s’étaient produites dans le parti depuis le début de la décennie. Sans doute depuis le retrait politique de Bordiga, l’empreinte idéo-politique qu’il avait donné à sa petite organisation s’était-elle subrepticement altérée mais pas au point cependant d’en altérer ouvertement les grands fondements. Ainsi le paradoxe de la carence du PCI après Mai 68 fut qu’elle se manifesta sous le signe de la plus stricte « fidélité aux principes », mettant de cette façon en cause, pour tout observateur lucide, la validité des principes eux-mêmes. Mais avant d’en dire davantage à ce sujet, il me faut aborder ce qui reste pour moi une énigme : la « question de Bordiga ».

 

Je m’étendrai plus tard sur les traits de caractère qui, chez cet homme, forcèrent ma sympathie et mon admiration, et qui, aujourd’hui encore, m’incitent à penser qu’il s’agissait d’un individu exceptionnel, encore plus grand et irréprochable après sa défaite devant toute l’Internationale stalinisée qu’il n’avait été brillant et prestigieux à l’époque où il y figurait au premier plan. Dans cette première partie de l’histoire du PCI, je ne veux encore qu’en ébaucher les grandes lignes, celles qui sont susceptibles de la rendre intelligible grâce à une vue d’ensemble. Du rôle déterminant qu’y joua Bordiga, je n’évoquerai donc ici qu’un aspect qui introduit dans une large mesure la période de « déclin » dont j’ai parlé plus haut. Comme si les difficultés d’après mai 68 se profilaient déjà à l’horizon du parti, il vint en effet un moment où la vieille et fausse opposition entre « théorie » et « pratique » - celle qui fut déjà à l’origine de la scission du PC inter en 1951-52 – réapparut. En présence des conflits , quelques fois puérils, souvent mesquins, que faisait naître cette oscillation, Bordiga fût implicitement sommé d’en formuler en clair la solution, telle qu’elle devait obligatoirement découler des points de principe qu’il avait précédemment exposés. Et c’est là qu’apparut la situation d’incompréhension et d’impuissance dans laquelle le plaça le petit parti qu’il avait fait renaître, qu’il avait animé avec toute sa science et sa passion et qui, pourtant, s’avéra incapable de trouver dans ses enseignements la réponse aux questions qui le déchiraient.

 

Ce hiatus surgit en 1963 et 1965. A cette époque le PCI était parvenu à élargir les rangs squelettiques que lui avait laissés la scission de 1951-52. D’imposantes luttes ouvrières[11] semblaient alors signifier que la période d’étouffement contre-révolutionnaire de l’après-guerre était terminée. Inévitablement devait ressurgir la question : comment utiliser ce nouveau climat social pour que le PCI devienne enfin un vrai parti, avec une large audience, une presse véritablement lue par des ouvriers, des groupes agissant selon sa ligne politique dans les syndicats, les grèves, etc.

Le problème semble n’avoir jamais vraiment existé pour Bordiga. Le PCI était un embryon du parti révolutionnaire prolétarien de l’avenir. Rien d’autre que la limite « physique » de ses moyens matériels – nombre de militants, ressources, etc. _ ne s’opposait à ce qu’il envisage toutes les activités du « vrai » parti. A ses yeux, dès lors qu’on possédait le programme révolutionnaire du communisme, il fallait utiliser toutes les possibilités de le répandre et de grouper autour de ce programme les ouvriers les plus combatifs sans s’illusionner sur les résultats à en attendre dans l’immédiat. Mais il ne fallait cependant pas négliger ces possibilités sous prétexte que la situation ne pouvait pas encore produire des luttes radicales et généralisées.

Réponse trop imprécise aux yeux de la plupart des militants du PCI parmi lesquels deux tendances se dessinaient : l’une redoutait un « activisme » qu’elle pensait être le mal latent et caché du parti ; l’autre se répandait en sarcasmes sur l’attitude de la précédente qu’elle qualifiait d’ »académisme ».

Ce débat est resté obscur jusqu’à la fin : les actes les plus spectaculaires y furent le plus souvent des affrontements de motivations individuelles. Je ne l’aborderai que dans les chapitres ultérieurs qui me permettront d’en donner tous les détails nécessaires. Ici je vais au plus direct concernant la « question Bordiga » en mettant directement le doigt sur ce qu’on peut appeler son « drame » en tant que continuateur et défenseur posthume de la période héroïque de la « gauche italienne ». dans l’accomplissement de cette tâche, il était tiraillé par deux exigences contraires. D’une part, il entendait ne rien modifier aux positions du second congrès de l’IC – qui fixaient selon lui les lignes fondamentales de la révolution communiste, y compris pour sa préparation « pratique » (propagande, intervention dans les luttes, etc.) et d’autre part, il lui fallait réagir à la façon purement formaliste dont les membres du PCI manifestaient leur respect de ces positions. C’était un formalisme qui concernait par priorité les questions de « discipline » et d’ « organisation » : il n’était pas difficile de deviner que des survivances de la mégalomanie du premier « PC inter » n’y étaient pas étrangères. Bordiga ne leur cachait pas son hostilité. On sentait que l’antiformalisme provocateur souvent contenu dans certaines de ses formules, et qui déconcertait nombre de militants, provenait directement de son mépris à l’égard de cette mégalomanie originelle et mal guérie. Son agacement devant l’incompréhension dont son enseignement était visible, traversait quelques fois l’enveloppe de froide courtoisie qu’il adoptait à l’égard de toutes les manifestations individuelles. Camatte – un de ceux qui furent au cœur du « conflit » dont il est question ici, a explicité la cause profonde de cette « distance » prise par Bordiga à l’égard des chamailleries internes du PCI – cause située bien au-delà des mesquines querelles qui déchiraient l’organisation[12]. Parce qu’il attribuait la dégénérescence du mouvement communiste international en premier lieu aux abandons successifs de principe consentis par l’IC, sous prétexte de « moderniser » le marxisme, parce que, en ces années de « pseudo-déstalinisation », il avait sous les yeux même une foule de « mises à jour » idéologiques qui cachaient le plus puant des opportunismes, Bordiga s’interdisait d’ajouter quoi que ce soit à la version « révolutionnaire » du marxisme, la seule vraiment marxiste à ses yeux. Et aussi la seule qui préparât le retour des conditions historiques la rendant pleinement valable et, cette fois-ci, victorieuse. Mais ne pas changer un iota à la ligne de Marx telle que Lénine l’avait reformulée en Octobre 17, c’était aussi laisser le champ libre à toutes les interprétations tendancieuses du marxisme sur les problèmes que ni Marx, ni Lénine en leur temps, n’avaient eu à affronter – notamment celui d’une « classe ouvrière » mondiale puissamment organisée, dans sa quasi-totalité, « en dehors et contre » la tradition révolutionnaire du prolétariat.

 

Ceci d’ailleurs constituait la contradiction globale dans laquelle baignèrent, non seulement Bordiga, mais, on le verra plus loin, tous ceux qui, en ce déconcertant milieu du siècle, tentèrent de sauver le marxisme en tant que seule doctrine possible de subversion sociale. Au début des années 60, on approchait du moment où cet enjeu devait apparaître dans sa totalité, Bordiga s’en doutai

t-il ?

En tout cas, il s’attachait surtout à empêcher le conflit entre les deux tendances qui s’affirmaient alors dans le PCI et qui prenait une tournure qui dépassait en âpreté la « crise » de 151-52. l’une tendait à penser que le parti agissait « trop peu », et ce parce qu’il abritait plus de dilettantisme que de militantisme. L’autre s’inquiétait de ce « volontarisme », redoutait les dangers de l’obsession « organisative » (qui naturellement la visait) et utilisait contre elle, sans trop de discernement, certaines des déclarations à l’emporte-pièce que Bordiga avait autrefois dirigées contre « l’activisme » du premier PC inter.

 

J’exposerai plus loin, sans aucun détour, quelles furent mes propres incertitudes face à cette situation à laquelle je ne trouvais alors d’autre solution que celle qui s’inspirait de l’empirisme le plus prudent : ne pas tendre à faire du parti une caserne ou une armée, mais non plus ne pas le réduire à un simple « club ». Pour ‘instant je me borne à indiquer que dans l’attitude de Bordiga en cette circonstance, résidait, et réside encore, ce qui fut toujours pour moi son « mystère » ? Il était visible que toutes les bisbilles - créées autour du « dilemme » évoqué plus haut concernant l’activité du parti – l’irritaient considérablement : il était navré et déçu par l’incapacité des camarades à y découvrir eux-mêmes la réponse à l’aide des principes qu’il leur avait si longtemps prodigués. Peut-être le fondement du « secret » de Bordiga tenait-il simplement au fait qu’il appartenait à une autre époque du mouvement ouvrier, à une autre phase d’histoire infiniment plus riche et plus dramatique. Vis-à-vis des misères quotidiennes, des lendemains et surlendemains de défaite, il s’en tenait à critiquer et censurer, dans les discussions internes du PCI, ce qui s’écartait par trop de la ligne fondamentale qu’il ne cessait de rappeler. Pour le reste, c'est-à-dire pour la puérilité, le ton scholastique et creux de bien des interventions et exposés faits par de jeunes camarades, il manifestait une indulgence quelques fois outrancière qui, souvent, déroutait les plus exigeants et même conduisait certains d’entre eux à se demander si elle ne recelait pas un soupçon d’indifférence ou même de mépris.

 

Pour ma gouverne, j’ai été bien souvent réduit à me contenter de l’explication suivante : le souci primordial de Bordiga était d’interdire l’accès de l’organisation à toute conception individualiste ou personnaliste, de repousser toute tentative de porter remède aux maux réels ou supposés du parti à l’aide de procédés s’inspirant de l’illusion démocratique, de l’efficacité des « consultations internes », de déjouer les superstitions  concernant la possibilité de hâter le réveil révolutionnaire par n’importe quelle recette miraculeuse, d’ordre organisatif ou tactique. Ce souci fut visible lors des difficultés de 1963-65 ; il ne suffit pas à mettre Bordiga à l’abri d’informations erronées et partielles devant lesquelles il était d’autant plus désarmé que ces informations, pour des raisons surtout pratiques, lui parvenaient par la voie détournée « d’opinions » déjà faites chez les camarades de Naples – la propre section de Bordiga.

 

Peut-être en saura-t-on plus un jour : si sa famille consent à la publication de tous les documents et notes qu’il a très probablement rédigés au cours de ces années. En attendant, l’ambiguïté subsiste : la maladie l’avait frappé juste au moment où le PCI subissait la crise dont il est question plus haut. Remis d’une première attaque – une hémiplégie – il dut rapidement interrompre  l’activité reprise, peut-être pour s’être trop surmené au sortir de sa maladie, peut-être aussi – si l’on en croit ce que suggérait le ton laconique et désabusé de la lettre communiquant sa décision – parce que d’autres crises survenant immédiatement dans l’organisation après la précédente, précipitèrent sa rechute. Il vécut deux ans encore, complètement isolé du parti – dans lequel les responsables faisaient toujours miroiter son retour prochain, et mourut en 1970 sans laisser un texte, une lettre d’adieu, voire un simple mot… à moins que ce papier soit resté propriété cachée de l’entourage.

 

*

 



[1] Laugier remaniait sans cesse ses introductions ou présentations. Les extraits qui suivent proviennent d’une « présentation générale », extrêmement longue, comportant des digressions pénibles et incessantes, où se trouvent des redites par rapport à d’autres textes. C’est pourquoi nous avons pris le parti d’en prendre des morceaux choisis sur divers thèmes.

[2] Voir quelles formes ont prises, au Vietnam, au Cambodge, ces pseudos « guerres révolutionnaires » des années 60, sur lesquelles s’excitaient ces intellectuels… précisément conditionnés par 3 ou 4 décennies d’antifascisme…

[3] Une émission consacrée à Jean Giono (avec au générique l’indication de la participation de Cécile Giono) a totalement escamoté les positions pacifistes de l’auteur de « Regain ». Non seulement il n’a pas été fait mention de son pamphlet interdit « Refus d’obéissance », dont le pacifisme était rien moins que « bêlant », mais encore son emprisonnement lors de la déclaration de guerre en septembre 1939, a été expliqué par son attitude passée, alors qu’il était directement lié au télégramme envoyé par Giono à Daladier, alors Président du conseil, la veille même de la mobilisation.

[4] Il semble bien que ce soit Marc Chirik de la FFGC (d’après moi, JLR), à moins que ce ne soit A.Véga.

[5] De l’influence qui fut décisive pour cette adhésion, je parlerai dans les chapitres ultérieurs, lorsque je décrirai ce « cas » politique extraordinaire que fut le « camarade Piccino ».

[6] Les textes de Laugier qui font l’historique de cette scission se trouvent dans la revue tempus fugit n°1.

[7] Du groupe dirigeant mégalomaniaque (note de JLR).

[8] J’escamote de même un aspect paradoxal de son dénouement : l’appui inconditionnel apporté par Vercesi à Bordiga, alors qu’entre les deux hommes existait un grave désaccord quant au rôle désormais dévolu à l‘organisme de type syndical. De cette divergence, jamais bien éclaircie, et dont la discussion par voie épistolaire demeura interrompue, je rapporterai plus loin tout ce que j’en sais.

[9] A propos du début de « L’escalade américaine au Vietnam » (dans les premiers numéros du « Prolétaire » encore ronéotypés.

[10] Critique d’un discours de M. Thorez sur « Le communisme et la jeunesse » (« Le Prolétaire »).

[11] Notamment la grève des mineurs belges (1961 ?).

[12] Dans sa préface à « Bordiga ou la passion du communisme ».

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article