SOCIALISTE OU INTELLECTUEL?

Publié le par Jean-Louis Roche

par Léo Moulin (professeur de sociologie au Collège d'Europe, Belgique 1967)

 

A la fin du XIXème siècle, bon nombre d'intellectuels était de "gauche" et certains même, socialistes. Tout les y poussait: l'état de la société, le sens où semblait l'incliner l'histoire, les illusions et le spréjugés de l'époque. Le socialisme représentait une force généreuse, libérale, humanitaire et universaliste; il correspondait donc assez bien aux aspirations de l'intelligentsia. Il n'était que peu ou pas intégré dans la société bourgeoise: il satsifaisait leur sens de la révolte. Enfin, le partis socialiste n'ayant rien à offrir que des coups et des persécutions, seuls les plus purs, les plus dogmatiques, parmi les intellectuels s'y inscrivaient. Comme le parti socialiste était figé dans l'opposition, les clercs de la "gauche" ne risquaient pas de devoir prendre contact avec la réalité politique. Ils pouvaient donc se livrer tout à l'aise aux joies de la critique et de l'intransigeance, fût-ce contre leur propre parti (ils ne s'en faisaient pas faute); et celui-ci pouvait se payer le luxe de les laisser faire. Au fait, il croyait encore à la liberté de penser.

Deux épisodes, antérieurs à 1914, semblent cependant indiquer que cette tolérance des partis ne participait pas d'un esprit fort libéral: je fais allusion aux réactions de la social-démocratie allemande à l'égard de Bernstein et à l'attitude prise par Jaurès quand Charles Andler revint d'Allemagne en disant qu'il avait découvert que chez certains militants de ces pays des tendances nationalistes, pangermanistes et impérialistes. Attitudes et réactions prouvaient, à tout le moins que, dans les deux partis, allemand et français, l'unité de vues, la discipline commençaient déjà à passer avant la liberté de penser.  (à suivre)

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