UN TEXTE RARE SUR MAI 68

Publié le par Jean-Louis Roche

Un texte rare sur mai 68

 

Sur 68

 

Par le flutiste

 

La commémoration du 40ème anniversaire de Mai 68 donne lieu à toutes sortes d'interprétations, souvent contradictoires. Entre la volonté de la droite de le "liquider" et les rodomontades des uns et des autres se présentant comme d'ex-soixante-huitards, s'auto glorifiant à coups de cymbales, grosses caisses et tambours médiatiques, l'essentiel est passé sous silence: qui étaient à ce moment sur les barricades et affrontèrent les forces de l'ordre lors de la nuit du 10 mai 68 qui a servi de détonateur pour la période? Les mêmes qui ont embrayé ensuite dans les Comités d'Action Étudiants-Ouvriers pour aller se coltiner avec les piquets de grève devant les grandes usines, tenus par les chiens de garde cégétistes-PC, afin de déclencher les grèves solidaires? Que l'on permette à ce sujet à un anonyme, témoin, observateur et acteur de ces journées, de jouer un peu de sa flûte pour fournir quelques notes discordantes dans ce concert de menteries et mythomanies.

 

CEUX QUI ÉTAIENT LA ET CEUX QUI N'Y ÉTAIENT PAS.

 

Tout d'abord, il faut dissiper une confusion de terminologie: à cette époque, il y avait des groupes, composés d'étudiants ou de jeunes pour la majorité, se réclamant soit des idées libertaires ou assimilées; à savoir la Fédération anarchiste, laquelle tenait d'ailleurs ce même soir du 10 mai 1968 son gala annuel à la Mutualité avec Léo Ferré en vedette; d'autres groupes anarchistes comme "Noir et Rouge", transformé en groupe-non-groupe à la fac de Nanterre, et dont les membres s'étaient engagés dans le Mouvement du 22 mars (avec Dany Cohn-Bendit et Jean-Pierre Duteuil) , puis l'UGAC (Union des Groupes Anarchistes-Communistes), L'Union Anarcho-Syndicaliste (LIAS), la CNT française, et un certain nombre d'individus et groupes autonomes, dont par exemple Gaston Leval et son cercle des Cahiers de l'Humanisme libertaire. La plupart des membres parisiens de ces organisations étaient présents, comme s'ils s'étaient donnés rendez-vous ce soir-là; soit au nombre total de 3 à 400, parmi les quelques milliers de manifestants. II faut leur ajouter un nombre non négligeable de membres des groupes surréaliste; lettriste, situationniste et ultragauche (dits 'marxistes révolutionnaires'), également présents en cette heure fatidique. En dehors d'eux, parmi ceux qui n'étaient pas là et ne participèrent pas à cette fameuse nuit, il y avait ceux qui eux-mêmes se qualifiaient de"gauchistes', c'est-à-dire se situant à la gauche du Parti communiste et faisant surenchère de démagogie pour séduire sa supposée clientèle ouvrière, c'est-à-dire toutes les variétés  possibles de trotskystes et maoïstes. C'est par abus de langage que les medias ont attribué cette appellation de "gauchistes" aux participants de Mai. En revanche, ce sont ces mêmes"gauchistes" qui s'en sont attribués le mérite, alors qu'ils n'en ont été que les récupérateurs, pour ne pas dire les "charognards". En dépit des faits têtus, car ils étaient complètement à côté de la plaque, n'avaient rien compris à la situation; pour eux, les étudiants n'étaient que des petits-bourgeois, les jeunes en général quantité négligeable et, en conséquence, ils n'y prêtaient guère attention, ne visant que les "ouvriers"; lesquels dans leur majorité n'en avaient que foutre. Autre différence, ces 'gauchistes' mettaient en
avant la lutte anti-impérialiste contre la- guerre du Vietnam menée par les américains, alors que les libertaires avaient été pour la plupart guéris du tiers-mondisme, échaudés par l'évolution de l'Algérie après son indépendance, et n'entretenaient aucune illusion sur les régimes dictatoriaux  africains, nés de la décolonisation, ni sur le castro-guévarisme, caricature stalinienne d'une révolution, ayant éliminé de la même manière ses participants libertaires qui l'avaient aidée à triompher. II y avait donc une nette séparation et même une forte hostilité entre ces deux tendances. Les premiers étaient mobilisés par les luttes antifranquiste en Espagne et anticapitaliste en France et dans
le monde, y compris contre le capitalisme d'Etat des pays dits 'socialistes' de l'Est. II faut rappeler ici comment les insurrections antitotalitaires de Berlin-Est en 1953 et des Conseils ouvriers hongrois de 1956, écrasées par les chars de Moscou, avaient été déclarées comme 'fascistes' et "réactionnaires" par les communistes et leurs fidèles (dont beaucoup de futurs trotskystes et maoïstes). Cela, alors que les crimes staliniens venaient d'être été dénoncés peu auparavant, lors du XXe congrès du Parti communiste soviétique de 1956, par le même Khrouchtchev qui avait fait tirer à la suite sur les insurgés de Budapest. Le masque était alors tombé et nombreux furent ceux qui avaient abandonné le 'camp progressiste', devenu à leurs yeux l'incarnation odieuse d'une dictature totalitaire, où le mensonge était roi. Malgré cela, les "gauchistes" en étaient encore à glorifier les dinosaures marxistes-léninistes et à se pâmer devant leurs disciples vietnamiens ou castro-guévaristes. L'agitation estudiantine depuis plusieurs semaines avait fini par cristalliser la volonté d'en découdre, non seulement d'étudiants engagés, mais des jeunes en général. Et lorsque Dany Cohn- Bendit fit circuler ce soir-là, par haut-parleur, le mot d'ordre ( probablement le seul acte à mettre à son
actif, le personnage étant par ailleurs "imbuvable"), "d'occuper le Quartier Latin", puisque la "police occupait la Sorbonne"; il fut bien entendu et certains manifestants se mirent immédiatement à l'oeuvre: se servant des poteaux des panneaux de signalisation ( cassés en les oscillant de gauche à droite), comme de barres à mine, ils commencèrent à dépaver la chaussée des rues situées entre la Place Edmond Rostand ( en face du jardin du Luxembourg), les rues Soufflot, Gay-Lussac, Saint- Jacques, Claude Bernard; et celles à l'arrière du Panthéon, jusqu'à la Contrescarpe et la rue Mouffetard. 

Fait remarquable: les quelques étudiants de gauche ou "gauchistes" présents tentèrent de
dissuader de dépaver et de construire des barricades; traitant leurs constructeurs de "provocateurs". Ilsfurent promptement éconduits: il fut ainsi vivement conseillé à certains de ces "modérateurs" de retourner sur leurs prie-dieu au centre Richelieu (situé à l'angle de la Place de la Sorbonne et duBoulevard Saint-Michel, c'était à l'époque le grand centre des étudiants catholiques, remplacé depuis par une boutique à fripes), ils se virent alors obligés d'avouer piteusement qu'ils étaient de l'UEC (Union des Etudiants Communistes)! En peu de temps, toute cette partie du Quartier latin fut couverte de barricades. Un engin de terrassement, opportunément présent rue Gay-Lussac, fut mis à contribution par un habile technicien. Ce n’est que lorsque la police chargea vers minuit passé, que des
voitures stationnées là furent dressées et utilisées comme remparts; il est même probable que leur incendie se déclara avec la pluie de grenades lancées par les policiers, mettant le feu à l’essence répandue par terre.

 

Les affrontements furent extrêmement violents: de nombreux jeunes refusèrent de se replier
et, véritables kamikazes, s’engagèrent dans des combats de corps à corps. J’ai vu de mes propres yeux, rue Gay-Lussac, un jeune se dissimuler, un pavé à la main, derrière une porte cochère pour attendre que la première ligne des policiers soit devant lui, afin de leur balancer le pavé! On n’ose pas imaginer ce qu’il est advenu de lui après. Faisons ici une mise au point sur le mythe du lancer de pavés: il aurait fallu être un champion olympique de poids ou de javelot pour pouvoir en envoyer efficacement à plus de 4-5 mètres: ils n’étaient bons qu’à la construction des barricades et ne constituaient surtout que le symbole des traditions révolutionnaires parisiennes. A signaler que les habitants du quartier, témoins
indignés des brutalités policières, prirent le parti des étudiants, lancèrent des seaux d’eau pour atténuer l’effet des grenades de gaz lacrymogène et recueillirent des manifestants chez eux, ce qui n’empêcha pas les policiers de pénétrer dans les immeubles et d’y poursuivre les manifestants jusqu’à l’intérieur des appartements.

Dans la soirée, au gala du Monde Libertaire, lorsqu’on apprit les événements, Léo Ferré fit
une annonce invitant les volontaires à aller se joindre aux combattants de la rue. Ce renfort fut très précieux et aida à repousser à plusieurs reprises les charges policières dans les petites rues à l’arrière de la Contrescarpe, les habitants envoyant de leurs fenêtres de l’eau contre les gaz Iacrymogènes. Toutes ces dernières barricades furent tenues principalement par des anarchistes: celles de l’Estrapade, de Thoin, Blain; Tournefort - quelques-uns y établirent une barrière de voitures en feu. ce qui empêcha la barricade de la rue du Pot de Fer (la bien nommée!) d’être prise à revers: elle fut la dernière à tomber après 5 heures du matin.

Réfugié de justesse au Laboratoire de l’Ecole Normale Supérieure de la rue Lhomond,
j’entendis de derrière la grille l’interrogatoire d’une femme (peut-être même une ‘femme du monde’, sortie d’une séance de cinéma ou d’un théâtre du quartier, prise par l’ambiance festive et ludique du moment, comme on en avait vues certaines manier les pavés pour construire des barricades ce soir-là), par un policier lui demandant de montrer ses mains. Comme elles devaient être sales -preuve du maniement de pavés aux yeux du pandore-, elle eût droit à sa ration de matraque! (Comme avec Gallifet pendant la Commune de 1871 qui demandait aux communards prisonniers de montrer leurs mains, afin de reconnaître les ouvriers et de les envoyer à l’abattoir). Monté sur le toit de l’immeuble vers 6 heures, alors qu’il commençait à faire jour, je vis des corps étendus dans les rues avoisinantes et des secouristes qui s’affairaient autour d’eux. Vu l’âpreté des combats, il y eût indubitablement beaucoup de victimes parmi les manifestants: blessés, mutilés, gazés ou peut-être même décédés, car il y eût curieusement, à cette époque, des victimes d’accidents de la circulation à quelques dizaines de km de Paris, présentant la particularité de ne posséder ni voiture, ni même le permis de conduire! Parmi les amis et connaissances qui se fréquentaient au resto universitaire Jean Calvin et dans les bistrots du quartier, situés alentour de la rue Mouffetard, ayant participé à cette mémorable soirée, il y en a qui n’ont jamais été revus. Comme on se connaissait que de vue ou par des prénoms, il fut difficile d’élucider leur absence ou disparition. Le Mouvement du 22 mars et le SNESUP organisèrent bien des commissions d’enquête à ce sujet. Ils se heurtèrent souvent au silence des familles,probablement intimidées et dont le domicile était gardé par la police.

Les CRS « ratonnèrent » dans le quartier de la Mouff une partie de la matinée, tâchant de
cueillir des manifestants isolés. Ne m’en doutant pas, je descendis (1) de mon abri vers 7 h 30,
gagnai la rue Mouffetard quand, après la Place de la Contrescarpe, une escouade de CRS me
repéra, à cause de ma veste de cuir abîmée par une grenade, et se mit à me suivre sans oser me
courser, car il y avait déjà pas mal de monde dans la nue. Je les surveillai du coin de l’oeil, prêt à piquer un sprint au cas, où ils voudraient me mettre le grappin dessus. Je vis tout à coup un copain qui marchait à ma hauteur sur le trottoir; il avait, bien entendu, également participé à la nuit, mais son manteau de cuir était immaculé et ne voilà-t-y pas que ce plaisantin me dit: «  Pourquoi tu te dépêches, regarde: moi, je marche normalement! ». Je lui répondis vertement sans m’étendre et me hâtai vers la Place Monge pour descendre dans le métro. Descendu sur le quai, j’allai tout à fait à l’arrière de la station; quand je vis venir à l’autre bout mes CRS: ils m’avaient bien suivi, ce n’était pas une illusion optique; heureusement, le métro arriva et je me mêlai aux passagers. Mes anges gardiens restèrent sur le quai, dépités d’avoir raté leur proie.

Toutes ces circonstances expliquent le choc provoqué dans l’opinion: les syndicats,
organisations et partis de gauche se virent obligés de réagir en appelant à manifester le 13 Mai. Ce n’est qu’à reculons, les jours suivants, qu’ils suivirent les grèves spontanées de solidarité déclenchées dans le pays. C’est à ce moment que les « gauchistes », complètement largués jusque-là, commencèrent à tenter de récupérer le mouvement, à étaler leur camelote dans la cour de la Sorbonne et à monter des comités bidon, mais ceci est une autre page de la période.

GREVE GENERALE ET OCCUPATIONS EN MAI-JUIN 1968.

 

Au lendemain de cette fameuse nuit des barricades du 10 mai, véritable insurrection
urbaine, que dans tout le pays on avait suivie sur les radios périphériques RTL et Europe 1, tous furent choqués par la brutalité répressive du pouvoir gaulliste. Une grève générale de protestation fut proposée et une manifestation décidée par les syndicats étudiant ( UNEF), de l’Enseignement supérieur (SNESUP), CGT, CFDT et autres pour le lundi 13 mai, du centre de Paris à la place Denfert-Rochereau devant le lion de Belfort.

Pendant tout le week-end des 11 et 12, beaucoup de monde vint visiter les lieux dévastés des
affrontements: les rués dépavées, couvertes des carcasses de voitures et autres restes des
barricades, véritable paysage de guerre. Les journaux publièrent de nombreux témoignages et
photos. Ce fut comme une secousse électrique à travers l’opinion, quelque chose de très grave venait de se passer et on ne pouvait rester indifférent. Aussi, le lundi 13 mai, une foule immense,- on a parlé de 500.000 et même d’un million de personnes-, s’était amassée pour défiler.

UNE FORET DE DRAPEAUX NOIRS ET ROUGES.

 

Commotionné par une grenade et les gaz, j'avais décidé d'aller attendre la manifestation
directement à Denfert-Rochereau. Juché sur le lion de Belfort; curieux tel le Fabrice de Stendhal, (à travers lui, l’auteur s'était dépeint lui-même assistant à la bataille fatidique de Waterloo), je m'apprêtai à vivre un grand moment. Je vis d'abord défiler devant moi la tête de la manif composée des bonzes syndicaux, et de leurs affidés; puis suivirent de nombreux quidams, plus ou moins anonymes comme le situationniste Guy Debord, aperçu isolé avec un de ses amis. Tout à coup, spectacle incroyable: une forêt de drapeaux noirs et rouges, parsemée de drapeaux noirs, se présenta devant mes yeux! Essayant de compter, je calculai plusieurs milliers de participants groupés derrière les bannières. Je reconnus des membres de la CNT-française, dont le futur parolier à succès Etienne Roda Gil, (fils d'un militant anarchiste espagnol de renom, il avait commencé à s'exercer déjà en
1965, avec une chanson sur " le Vietcong qui boit du saké dans le Delta du Mékong" -citée de
mémoire, je ne sais si elle a été chantée), disparu il y a peu (salut l'artiste!). En fait, les gros bataillons de porteurs de drapeaux noirs et rouges étaient surtout constitués de membres de la CNT-FAI: les compagnons espagnols étaient là, compacts et solidaires. Les libertaires français n'étaient pas absents, loin de là, mais moins visibles, mêlés et marchant derrière des drapeaux noirs. Cette vision prenait aux tripes: les anarchistes étaient là et bien là, de retour sur l'arène historique.

Cela ne passa pas inaperçu des journalistes, photographes et autres témoins de la scène.
C'est à partir de là que naquirent soudainement la curiosité et l'intérêt pour les idées anarchistes dans  le public. L'Anarchie, que les staliniens et les socialistes en général –sans parler des bourges- avaient déclarée morte en terre d'Utopie, renaissait telle le Phénix de ses cendres! Son permis d'inhumer était caduc, au grand dam de tout ce beau monde. On pût encore s'en rendre compte quelques jours plus tard, au stade Charléty, à l'arrivée d'une autre manifestation, moins importante cette fois-ci car organisée par la gauche non communiste, Mendès-France et Mitterrand en tête, voulant se poser en
alternative à de Gaulle. L'apparition de drapeaux noirs fut saluée par des salves d'applaudissements, mais aussi par quelques huées de la gauche bien-pensante, marrie de se trouver en si "mauvaise compagnie". C'est depuis ces deux occasions, que l'utilité d'arborer des drapeaux noirs ou noirs et rouges (mais non uniquement rouges, car c'est la couleur du sang des révolutionnaires massacrés au  cours du XXe siècle par les congénères de ceux-là mêmes qui portent ces drapeaux, héritiers du  marxisme-léninisme), devînt évidente à mes yeux, ne serait-ce que pour révéler notre présence, puis pour narguer nos ennemis.

La manifestation du 13 mai se termina pacifiquement, la police étant très discrète. Des
manifestants allèrent sur le Champ de Mars. J'en vis quelques-uns- dont un, blême et un bout de bois à la main-, clamer :"Allons prendre l'Elysée!". Cela montrait la tension générale et la détermination de certains. La Sorbonne ayant été ouverte, sur l'ordre du rusé Pompidou, pour désamorcer la tension, je me dirigeai vers le Quartier Latin.

 

LA SORBONNE.

 

·         Ce soir-là, la vieille maison fût envahie par une foule joyeuse et débridée. Un piano, installé
dans la cour, distilla des airs de jazz, couvrant tout le brouhaha ambiant. Des annonces commencèrent à être faites par haut-parleur, des coordinations diverses s'organisèrent, la lutte continuait et s'amplifiait. Me trouvant dans la galerie Rollin, d'où partaient les annonces au haut-parleur, j'assistai aux premières inscriptions sur les murs, en particulier celle de "Jésus-Christ, le crapaud de Nazareth"!, ainsi qu'en bas à l'entrée du grand amphithéâtre, l'ajout d’interdit" au-dessus "d'interdit de fumer", premier mot barré et complété par "re" à la fin, ce qui donna le fameux "interdit d'interdire", promis à un avenir confus. II y a eu aussi la fameuse bulle inscrite par le situationniste René Vienet sur le tableau - au style dit pompier- de Philippe de Champaigne, en bas dans le couloir central de la cour de
la Sorbonne: "L'humanité ne sera heureuse que le jour où le dernier bureaucrate aura été pendu avec les tripes du dernier capitaliste"! Extraordinaire formule réadaptée du curé Meslier. II y aura ainsi de nombreuses inscriptions sur les murs, oeuvres de surréalistes, lettristes et situationnistes, habitués de ce genre d'expression, négligé jusque-là. Rappelons celle concernant les communistes et leurs partisans: "Quand ils parlent de révolution, ils ont un cadavre dans la bouche!". C'étaient autant de projectiles de gros calibres tirés contre les idéologies dominantes. Je ne me doutais pas alors du succès foudroyant qu'aurait par la suite cette manie scripturale, à la fois poétique et brutale (2). La fête battit son plein toute la nuit, pour rie plus s'arrêter durant plusieurs semaines. Une foule considérable s'y rendit tous les jours, surtout des badauds, mais aussi tous les gauchistes, "recalés des barricades', venus profiter du lieu et de l'ambiance pour afficher de grands portraits de
leurs idoles Marx, Mao, etc., et étaler leur littérature de pacotille. II y eût aussi un stand de la FA et d'anars qui eût beaucoup de succès. Le grand amphi, qui ne désemplissait pas, connût des moments rares comme celui de la conférence de Gaston Leval sur l'anarchisme: elle a été filmée et des séquences figurent parfois dans les documentaires sur Mai 68. C'était tout de même phénoménal de voir ce vieux propagandiste, fils d'un communard de Paris 1871, insoumis pendant près plus de trente ans de la guerre de 1914, autodidacte complet devenu pédagogue d'écoles Francisco Ferrer en Amérique du sud, puis extraordinaire reporter sur 200 collectivités espagnoles de 1936-39 (voir son livre L'Espagne libertaire 1936-39), cet infatigable apôtre des idées libertaires aller prendre la parole dans le grand 'Temple du Savoir Académique"! C'était un bon orateur, il parlait avec clarté et  précision, et l'auditoire lui fit un triomphe.

On se rendit rapidement compte qu'il était difficile d'oeuvrer efficacement dans la Sorbonne,
aussi on se replia sur son annexe, le centre Censier, situé à une encablure, derrière la rue Mouffetard.
C'était un bâtiment neuf de quatre étages, qui abritait habituellement les services
administratifs de la Sorbonne; des cours y avaient lieu dans les nombreuses salles et dans son
amphithéâtre. Je le connaissais bien et m'y installai: le partage des lieux fut le suivant: les
commissions étudiantes au 1er étage, le 2 ème réservé pour des réunions, et le 3 ème pour
les Comités d'Action Etudiants-Ouvriers, avec des dizaines d'individus, dont j'en connaissais une bonne partie qui fréquentait le quartier Mouffetard (la Mouff) et qui avait été sur les barricades. Certains mangeaient au resto Jean Calvin (à la Maison des Lettres), situé vers le bas de la rue Mouffetard, où le menu était un peu meilleur que dans les autres restos universitaires. Nos lieux de fréquentation était justement sa cafétéria, où on jouait aux échecs et le bistrot à proximité immédiate dans la rue Mouffetard, tenu par un vieux couple bougnat (auvergnat) de l'ancien temps: lui, livrait  encore le charbon à domicile et sa femme nous servait pour pas cher des petites gnôles pousse-café. Ils s'appelaient Moreau, mais on avait transformé cela en "Mort-aux-Vaches"! Or, y passait de bons moments à débattre de tout et de rien. La plupart étaient des"inorganisés", comme on disait à l'époque, mais affinitaires, en fait des individus autonomes - comme moi-même à ce moment -, mais tous sympathisant ouvertement à la tournure libertaire des événements. L'orientation générale des esprits était "Le conseilliste", c'est-à-dire pour les Conseils des Travailleurs, sur le modèle des Soviets russes de 1917 et des Conseils ouvriers hongrois de 1957, dont les Comités d'Action devaient être  l'ébauche. Les coups d'éclat des situationnistes avaient, en outre, réhabilité le romantisme  révolutionnaire, aussi beaucoup étaient réceptifs sur cette longueur d'ondes.

LE MONDE ESTUDIANTIN AVANT 1968.

Bien qu’étudiant à la Sorbonne moi-même depuis 1961, ce qui était rare à ce moment pour
quelqu'un issu d'un milieu modeste mais non inculte), - il y avait cette année-là, autant que je m'en souvienne, 160.000 étudiants, soit près de 15 ou 20 fois moins qu'aujourd'hui. Sorti de l'embrigadement lycéen, j'attendais beaucoup de la Sorbonne. Je fus vite désabusé par l'enseignement de l'Histoire et des sciences sociales, tenu principalement déjà par les communistes et leurs "compagnons de route", à quelques exceptions près. Par exemple, j'eus en propédeutique (première année de fac à l'époque), comme professeur principal d'Histoire, dans le grand amphi de la Sorbonne, contenant jusqu'à 1.500 étudiants, Jean Bruhat, fameux pour ses éditoriaux dans l'Humanité des années 1937-38, approuvant la condamnation à mort des accusés des procès de Moscou - les traitant par-dessus le marché de "vipères lubriques"! Imaginons un petit "Goebbels" donnant des leçons d'objectivité historique! En revanche, j'eus comme enseignant de philo Jean-François Lyotard, brillant
hégélien, excellent pédagogue (j'ai toujours son polycopié sur "Le Dire et le Faire"), qui était membre à ce moment du groupe - issu du trotskisme-, de la revue Socialisme ou Barbarie (avec Castoriadis), avant de scissionner en compagnie de Claude Lefort pour créer le bulletin Pouvoir ouvrier (singulier pour de grands intellectuels!). Nous avions de bons rapports personnels: il me tutoyait, ce qui était un signe d'égalité et de respect pour le jeune de 19 ans que j’étais, habitué aux "mandarins universitaires", imbus de leur "savoir" et de leur petite personne. II apprécia mes dissertations emplies de références aux conseils  ouvriers ( il me dît que j'écrivais comme Daniel Mothé, l'ouvrier de service du groupe, travaillant chez Renault à l'époque; cela, tout en ne me notant pas plus de 11 ou 12 sur 20,
ce qui était le maximum à ses yeux!). II comptait probablement me recruter pour son groupe et me fit parvenir une collection de la revue S ou B,  mais un jour il me demanda si j'étais marxiste? A ma réponse négative, il jugea que "c'était mal". Je lui répondis qu'il n'y avait pas besoin d'être marxiste pour expliquer économiquement l'Histoire, que Marx était le "liquidateur" de la Première Internationale et que j'avais des convictions libertaires bien
ancrées. En effet, j'avais acquis une solide culture anarchiste à partir des auteurs classiques (Bakou, Kropo, Reclus et de nombreux autres, découverts grâce aux bons soins de l'ami Louis Louvet, éditeur de Contre-Courant et diffuseur d'un grand stock de brochures et de livres des Temps Nouveaux, de Jean Grave, et de La Brochure Mensuelle de Bidault).

L'ironie de l'histoire, c'est qu'après 68, devenu la coqueluche des mondains de la pensée, JF  Lyotard inventa l' "économie libidinale" et affirma que Marx avait écrit d'une main Le Capital en se branlant de l'autre! Ce qui, en fin de compte, bien que tardif; était assez amusant et caractéristique de la masturbation intellectuelle de tous ceux qui se réclamaient de l'acariâtre barbu. Paradoxalement, à la fin de sa vie, il y a quelques années, il commit un incroyable éloge d'André Malraux! Précisons quel fut le sort des autres ténors de S ou B: Castoriadis devînt un auteur culte, un enseignant supérieur et un psychanalyste apprécié du même milieu 'mondano de gauche'; Claude Lefort, professeur au Collège de France! l' "ouvrier' Daniel Mothé, bonze et bureaucrate céfedétiste. Belles et pitoyables
promotions! Et ne parlons pas des "grandes têtes molles" de gôche qui occupèrent tous les fromages possibles et imaginables de l'Etat, surtout après 1981. Le militantisme politique - et surtout "socialiste et pseudo révolutionnaire" comme tremplin de la réussite professionnelle, procédé bien connu par tous les "alpinistes" sociaux. Qu'il était loin le "refus de parvenir" prôné par les révolutionnaires d'antan !

Lyotard me conseilla d'aller suivre les cours de Raymond Aron sur les Sociétés industrielles.  Au bout de deux cours, la vertu dormitive de son discours monocorde eût raison de ma résistance à l'ennui! J'eus à peine le temps de commencer à suivre les cours de sociologie de Georges Gurvitch, avant qu'il ne disparaisse; mais ce participant aux soviets russes de 1917, se présentant comme "l'exclu de la horde" universitaire, était un parfait connaisseur des auteurs du XIXe : Saint-Simon, Proudhon et Marx. J'en ai profité et conservé ses excellents polycopiés sur ces auteurs, qu'il avait bien lus et rendus. D'ailleurs, II contribua alors à réhabiliter Proudhon dans. Je monde universitaire post-
stalinien et le présenta même comme le grand inspirateur de la Commune de Paris de 1871, ce qui ne fût pas une mince affaire en ce temps de domination stalino marxiste. Il fût également à l'origine, en 1964, de la revue Autogestion.

Poursuivre des études supérieures n'était pas facile durant ces années, si on n'avait pas de
parents aisés derrière soi. C'était mon cas et, dès le début, je dus subvenir à mes besoins, surtout que la (petite) bourse dont je bénéficiais n'était accordée qu'au mois de février de l'année universitaire. Il fallait donc tenir jusque-là, par conséquent travailler, faire des petits boulots durant les vacances et le premier semestre, c'est-à-dire manquer les premiers cours, ce qui évidemment n'était pas apprécié par les enseignants et comme les copies d'examen n'étaient - étonnamment- pas anonymes ( elles l'étaient pourtant pour le bac: un rabat collé cachait le nom), je me faisais sacquer et il me fallait passer et repasser les examens aux sessions de juin et d'octobre pour réussir les certificats de licence. Ceci
explique certainement le grand déchet d'alors et, peut-être de maintenant, parmi les étudiants des premières années d'études. De toute façon, les enseignements n'étaient pas très attrayants et les enseignants plutôt mauvais pédagogues, ne connaissant généralement que le petit créneau correspondant à leur thèse de doctorat, et complètement nuls en dehors; à la différence de leurs devanciers du XIXe et début XXe siècles, qui étaient souvent des hommes encyclopédiques,  conformément à la tradition héritée du siècle des "Lumières". Aussi, toute véritable étude sérieuse ne pouvait vraiment reposer que sur un travail personnel.

La vie estudiantine présentait alors malgré tout certains avantages par rapport au salariat à
plein temps; tout en en bénéficiant, on pouvait vaquer à ses propres études et recherches, garder une fenêtre ouverte sur le monde, hors du système clos et sclérosé de l'université. Cela permettait, en attendant mieux, de ne pas rentrer dans le rang. Et puis, il y avait un esprit frondeur et contestataire typiquement estudiantin qui rendait le Quartier Latin (Lapin en argot estudiantin) agréable à de multiples points de vue; après 1968, tout cela a disparu peu à peu par la dispersion des établissements universitaires hors du Quartier, tant on a voulu exorciser tout danger de révolte.

II y avait alors des personnages pittoresques, comme Ferdinand Lop (avec tous les jeux de
mots possibles à partir de son nom: sa- et anti-Lop etc. !), qui voulait prolonger le Boulevard Saint Michel jusqu'à la Mer ou transporter la ville à la campagne (là, il a été exaucé, elle a été 'urbanisée' jusqu'à plus soif!). II se présentait aux élections du Quartier et recueillait toujours bon nombre de voix. II y avait le "postillon", personnage habillé exactement comme le postillon du vin du même nom, qui déambulait, imperturbable, dans les rues du quartier, acceptant tout de même de boire un "ballon" au comptoir! Mouna Aguigui (de son vrai nom Dupont, le "cosmonaute du subconscient", cycliste-directeur de son petit canard) qui haranguait les passants Boulevard Saint-Germain, debout sur une caisse, honnissant le "ca-ca-pi-pi-talisme"! et, possédant une sacrée collection de différents couvre-chefs, ponctuant son discours en en changeant à chaque fois, en déclarant alors que la "République avait changé de visage"! Plusieurs cafés propices aux rendez-vous et des librairies du Boul’mich', où on pouvait faire connaissance avec la production éditoriale, qui faisaient le charme de cette voie, tels le Dupont, le Soufflot, le Mahieu, les PUF (Presses Universitaires de France) etc. ont disparu et fait place à des commerces de malbouffe et de frippes. Pareil pour les restaurants bon marché pour les artistes et étudiants nécessiteux, et les chambres de bonne pas chères. II ne reste que
le jardin du Luxembourg, surnommé le"Luco", où on allait draguer les filles et où on s'amusait à échapper aux petites vieilles (en noir, c'étaient probablement des veuves de guerre auxquelles l'Etat avait "généreusement" accordé la charge de faire payer le droit de s'asseoir sur les chaises. On a peine à imaginer ce que cela a pu être par rapport à l'actuel lieu sans âme, où tout est insipide et à base de fric.

Devenu soutien de famille au décès de mon père, je fus obligé de travailler à plein temps,
occupant divers emplois sans rechigner: calculer les "courbes de vie des produits" (c'est-à-dire combien de temps ils mettaient à se vendre!) aux Galeries Lafayette! Aide-comptable chez le pétrolier Elf (l'actuel Total); avec dans ces deux établissements deux cantines différentes: pour les employés et pour les cadres (méprisants, croyant sortir de la cuisse de Jupiter, issus d'une race supérieure), avec des menus de qualités différentes. On ne pouvait faire mieux pour caractériser la lutte de classes: dirigeants et exécutants. Emplois que je quittai soudainement, du jour au lendemain, au bout de plusieurs mois, devant les tentatives des "petits chefs" de me briser ou de m'humilier avec des rebuffades, me considérant comme un "rebelle"à leur autorité. A chaque fois, je les pris par surprise:
en pleine journée de travail en demandant mon compte! Ebahis, ils s'étonnèrent et me demandèrent pourquoi je voulais partir, tentant même, probablement par mauvaise conscience, de me retenir; je leur dis tout bonnement qu'il faisait beau dehors et que je devais immédiatement sortir! J'appris avec plaisir plus tard qu'en mai 68, les employés grévistes des Galeries Lafayette avaient sorti les cadres à coups de lance à eau d'incendie! D'ailleurs, je retrouvai sur les barricades certains de mes anciens collègues de cette boîte infâme. Autre emploi mal rémunéré, mais sain et intéressant: après un stage d'une semaine de formation, je fus pendant 3 mois, en 1965, Pèraub (Père(!) aubergiste : gérant d'une
auberge de jeunesse) dans les Vosges, où je fus accusé par certains adhérents locaux (C'était à l'époque un pays de culs-bénis) d'être une sorte de commissaire bolchevique pour avoir interdit la tenue d'une messe dans l'auberge!

Durant ces années, il était facile de trouver un emploi grâce au bureau de placement des
étudiants - le CROUS- et si on était pas fainéant et costaud - c'était mon cas - on pouvait accepter des boulots manuels assez durs, pas très bien payés, mais très enrichissants humainement, tel d'être bagagiste à Orly (commencer à 4 heures du matin, en chargeant et déchargeant un avion , 20 minutes par heure pendant près de 9 heures) et des tas d'autres emplois du même genre durant des semaines ou des mois selon les besoins. Dans ce milieu des humbles, ne pétant pas plus haut que leur cul, je me sentais particulièrement à l'aise; les rapports y étaient simples et très cordiaux.

Début 1968, utilisant finalement ma licence de lettres, je me décidai à prendre un emploi à
long terme en tant que cadre A contractuel dans la fonction publique (tout le monde y est cadre de A à D, sur le modèle de l'armée, ce depuis Napoléon! Cela avec des tas de statuts différents: contractuel, auxiliaire etc. en attendant de réussir un concours pour être titulaire), où on me confia à diriger 40 employés! En apparence, j'étais passé de l'autre côté de la barrière et on fondait de grands espoirs sur moi, bien que j'eusse prévenu avec humour que je n'étais "pas doué pour porter le képi", mais l'humour et l'administration, ça fait deux. En réalité, je n'avais aucune envie de faire carrière; j'y étais juste le temps de voir venir et parce que c'était à proximité de mon domicile. Aussi, je désertai sans
état d'âme ce poste de "commandement étatique" dès le début des manifestations de Mai.

LES GREVES

Dès les 14, 15 et 16 mai, des grèves s'étaient déclarées à Nantes et ailleurs, souvent à
l'instigation des militants trotskystes de la "Voix ouvrière" (l'actuelle Lutte ouvrière). C'était une sorte de secte dont la religion était "l'ouvriérisme à tout va". Les ouvriers étant la "classe messie", l'organisation prenait entièrement en mains la vie de ses militants: ils devaient aller distribuer des tracts le matin très tôt à l'entrée des usines; devenir eux-mêmes des ouvriers, s'ils n'avaient pas le bac, ou bien instituteurs s'ils l'avaient. C'étaient des"moines militants", à la différence près que leurs moeurs étaient assez libres; mais cela restait en "famille": des couples de militants se formaient, et des militantes aidaient parfois à "convertir' des sympathisants à la bonne cause, en payant de leur personne. A force d'entrisme et de noyautage, ils avaient fini par déborder par ci par là les cégétistes
staliniens. C'est ce qui se passa à ce moment pour déclencher les premières grèves, il faut bien leur reconnaître ce mérite.

II faut dire qu'après la grande manif du 13 mai; les syndicats n'en voulaient pas plus, sauf
parfois avec leurs sempiternelles revendications salariales et slogans creux (une copine allait défiler  avec eux pour crier exprès: "La semaine de 60 heures, la retraite à 40 ans!"). Aussi, il urgeait d'étendre si possible le mouvement gréviste sans plus attendre. A Censier; des Comités d'Action Etudiants- Ouvriers furent mis sur pied, en ciblant certaines grosses usines de la région parisienne: Renault, bien sûr, Citroën, Thomson Houston et autres. Nous nous partageâmes par équipes de quatre avec une voiture et "papillonnâmes" entre ces grosses boîtes. Tout de suite, nous nous heurtâmes aux piquets cégétistes qui firent barrage pour nous empêcher d'entrer dans les lieux. Cela peut se comprendre, tant
ils avaient peur qu'on leur abîme leur fameux "outil de travail" - on a vu depuis ce qu'il est devenu, sans qu'ils mouftent: délocalisé dans les ex-pays socialistes (présentés alors comme des " paradis" pour les travailleurs, ne l'oublions pas) ou en Asie, où on paie les ouvriers à coups d'élastique! Ils avaient, en outre, peur qu'on leur vole leurs "ouvriers". Malgré ces embûches, nous réussîmes à établir de bons contacts chez Renault avec des jeunes cégétistes qui nous aidèrent et influèrent sur leur syndicat. Chez Citroën, cela fut assez dur, car la plupart des ouvriers étaient  des immigrés portugais et d'autres nationalités, ne parlant parfois même pas français; c'était pas évident de leur demander de se mettre en grève; mais là aussi de jeunes cégétistes nous épaulèrent; à Thomson-Houston, nous nous heurtâmes à des cégétistes haineux mais, par contre, fûmes très bien
accueillis par des céfedétistes (CFDT), qui nous ravitaillèrent même plus tard en essence. Les contacts furent pris et conservés.

Sous la pression de la base et surtout des jeunes, les syndicats finirent par se déclarer pour
la grève générale. II faut dire aussi que nous étions presque tous, plus ou moins des étudiants travailleurs nous-mêmes, grévistes spontanés évidents; âgés en moyenne de 25 ans, ce qui nous rendaient plus crédibles auprès de nos interlocuteurs. Du moins au début, car des ouvriers, des jeunes et des moins jeunes, et différents travailleurs ne tardèrent pas à nous rejoindre dans les Comités d'Action à Censier, ce qui grossit considérablement nos rangs.

Au bout d'une semaine, la grève fut générale: cas unique en France, même par rapport à
1935: neuf millions de travailleurs grévistes! La situation générale n'avait rien de révolutionnaire, c'était surtout un ras-le bol général contre l'autoritarisme gaulliste et une société bloquée. La "grève générale", celle dont avaient rêvé plusieurs générations; le prélude au "Grand Soir" et à la "Révolution", était là et bien là. La Révolution devait être, par conséquent, à l'ordre du jour. Seul petit problème, c'était inconscient, car il n'y avait pas de révolutionnaires! Si on ne comptait pas les quelques centaines ou milliers à la limite, qui avaient une connaissance historique et une conscience théorique, animés par conséquent d'une volonté révolutionnaire. Ce qui ne faisait qu'une goutte d'eau dans l'ensemble du pays. C'était le résultat de décennies de décervelage marxiste-léniniste et de
démission de tout esprit critique. Les révolutions françaises de 1789; de 1848; de 1871, les russes de 1905 et 1917, les espagnoles de 1931 et 36-39, avaient été préparées par des générations entières de révolutionnaires: ils avaient étudié attentivement les défauts du système dominant, lutté pied à pied contre le pouvoir des puissants; réfléchi et élaboré des solutions pratiques pour éliminer,  l'injustice et l'exploitation. Certes, elles avaient toutes mal fini, mais ç'avait été surtout par une Contre-révolution interne: des démagogues et des fourbes s'étaient infiltrés dans leurs rangs et avaient trahi la cause au moment décisif, en misant sur leurs intérêts spécifiques de parti. On avait manqué de vigilance critique pour ne pas se fourvoyer. Pour éviter un nouvel échec, il fallait les étudier toutes avec minutie et explorer les raisons qui les avaient perdues. Rien de tout cela en 1968, la majorité des
travailleurs se berçait d'illusions sur un "pouvoir populaire", ou surtout sur un gouvernement de "gauche", ne pensant même pas à changer les rapports aliénants dans le travail ou dans la vie; ils se laissaient guider par des dirigeants corrompus par le système et complices des horreurs staliniennes. Les leçons du passé n'avaient pas été retenues, on fonçait tête baissée dans les mêmes erreurs et  impasses. Que nous restait-il à faire, à nous qui nous voulions plus informés et motivés? II fallait y aller et être présents partout le plus possible en intervenant dans un sens radical. En plus, montrer au moins que nous pouvions changer les rapports entre nous, qu'on pouvait se passer d'une autorité supérieure et organiser de manière autonome notre vie, à défaut de changer le monde. C'est ce que
nous avons tenté de faire, sur une petite échelle, lors de l'occupation de Censier.

L'OCCUPATION DE LA FAC DE CENSIER.

Nous nous installâmes à demeure à plusieurs dizaines: nous étions sur place jour et nuit,
dormant sur des lits de camps ou sur des matelas de fortune. Des étudiants de l'Institut d'Agronomie montèrent le CLEOPS - Comité de Liaison Etudiants Ouvriers Paysans Solidaires- et organisèrent une cantine, régulièrement approvisionnée par leurs contacts paysans; elle fonctionna à merveille durant l'occupation. Nous montâmes un Comité de Liaison Paris Province, de manière très simple: nous faisions des annonces par haut-parleur en demandant des volontaires, soit qui avaient une voiture, soit qui n'en avaient pas, mais qui désiraient se rendre en province. Le but était de faire connaître dans le
pays ce qui se passait à Paris et d'établir des contacts. Après un bref entretien, pour savoir si c'étaient des gens sérieux et dignes de confiance, je les mettais en contact les uns avec les autres et les munissais de tracts et d'affiches que j'allai chercher à l'atelier de l'école des Beaux-Arts et chez les différents comités. En effet, j'avais des contacts personnels avec certains des 'rapins', ayant mangé longtemps à leur resto U situé juste à côté, rue des Beaux-Arts. J'assistai ainsi à la présentation des premières sérigraphies de l'atelier: en fin d'après-midi, tous, enseignants et élèves, se réunissaient pour choisir parmi les travaux proposés. C'était de la démocratie directe, chacun argumentait son choix et la grande majorité choisissait, éliminant les autres. Celles qui avaient été choisies devaient porter le tampon de l'atelier. J'en diffusai des centaines, dont la première que je n'ai jamais revue: un poulet avec la tête de Pompidou cigarette au bec! Partie en province, on ne sait
où ! De même, des dizaines de la fameuse "CRS-SS", imprimée sur un papier de qualité. A tel point qu'il m'en resta un bon paquet après la fin des événements et que je fus obligé de jeter, ayant peu de place dans ma petite chambre de bonne (quand on pense à la valeur marchande qu'elle atteint aujourd'hui!). C'est que je ne pensais pas à l'avenir, je vivais dans le présent immédiat; je traitais de "nécrophages" ceux qui arrachaient les affiches et collectionnaient les tracts pour les archiver. Eh bah, on peut se tromper et je suis bien obligé de reconnaître qu'en fin de compte ils ont fait oeuvre utile. Dès le premier jour d'occupation, nous fîmes une assemblée générale dans le grand amphi de la fac, pour décider des actions à mener. Jean Jacques Lebel, proche des anarchistes et des surréalistes, grand agitateur d'idées et des arts, introducteur en France et en Europe des fameux
"happenings", (sorte de fêtes d'étudiants des Beaux-Arts, où on déconnait à plein tube), proposa d'occuper le théâtre de l'Odéon. Il voulait faire ainsi rebelote, car il l'avait déjà occupé avec des amis quelque temps auparavant en signe de protestation contre une soirée d'hommage "officiel" dédiée aux poètes de la "Béat génération". Jean Louis Barrault et Madeleine Renaud, qui dirigeaient alors le théâtre, avaient subi avec stoïcisme cette première soirée d'occupation. Je proposai plutôt l'occupation de l'Opéra de Paris, lieu plus central, mais Jean-Jacques avait son idée bien arrêtée et la majorité vota pour l'Odéon. Presque tous partirent immédiatement investir les lieux. Cette fois-ci encore, Jean-Louis
Barrault accepta bon gré mal gré cette douce violence, ce qui lui vaudra d'être viré ensuite comme un malpropre par André Malraux. Ce fût homérique: jour et nuit n'importe qui prenait et gardait la parole sur tous sujets, comme à la Sorbonne, mais le lieu s'y prêtant mieux, ce fut une extraordinaire représentation permanente, où le plus profond discours côtoyait le pire délire: c'était comme la langue d'Esope. Deux drapeaux, rouge et noir, furent installés sur le fronton du théâtre. Le comité d'occupation improvisé, un anarchiste de ma connaissance, Paul, à sa tête, logea dans les combles où étaient entreposés les costumes de théâtre. On vit donc soudain un spectacle invraisemblable: des gardes avec casques et hallebardes déambulant dans les couloirs du théâtre! En tant que "conseiller technique", je conseillai de bloquer toutes les issues, sauf la principale, afin de parer à toute intervention surprise de la police. Ce fût fait avec des cordes, mais une heure plus tard, tout fut enlevé pour cause de sécurité en cas d'incendie ou de mouvement de foule, du moins c'est ce qu'on m'expliqua.

LE FONCTIONNEMENT DE CENSIER OCCUPE.

Pour la même raison, j'organisai un petit service de sécurité à Censier: une dizaine de
membres surveillèrent les entrées et les allées et venues dans la fac, car des centaines d'étudiants et curieux venaient chaque jour arpenter les couloirs des 3 étages: le premier pour les commissions étudiantes, faisant "jou-jou" sur les "débouchés des études" ( l'un d'entre nous proposa de faire un immense autodafé de tous les dossiers d'étudiants de la Sorbonne entreposés à Censier même, afin de "résoudre une bonne fois pour toutes le problème étudiant", mais il n'y fut pas donné suite) , le 2 ème  étage pour des réunions de différents comités, le 3 ème étant réservé aux comités Etudiants- Travailleurs et autres comités s'action. II y eût ainsi un comité d'action d'étrangers (où participa Freddy Peerlman - disparu il y a quelques années-, lequel lança ensuite les éditions" Black and Red" àChicago).

Le rez-de-chaussée était pris par la cantine, les bureaux administratifs, les points de contacts et le standard téléphonique. Le 4 ème étage était inoccupé (parfois utilisé comme alcôve, la volupté s'accordant bien avec la passion révolutionnaire). La nuit, la porte d'entrée était fermée et surveillée et on faisait des rondes dans les étages. Un jour, on vient m'informer que des étudiants communistes veulent prendre une salie au 2 ème, je descends immédiatement avec des compagnons et leur intime l'ordre de dégager au plus tôt, n'ayant pas combattu sur les barricades, n'ayant donc rien à faire ici. Ils obtempèrent sans insister. Un autre jour, même topo: des étudiants de la FER (Fédération des Etudiants Révolutionnaires, trotskyste, de la tendance lambertiste, celle dont était membre le "sous-
marin" Lionel Jospin), viennent s'installer tout de go dans une salle du 2 ème. Mon sang ne fait qu'un tour, je descends quatre à quatre, avec 3 compagnons présents, et leur tiens un discours ferme et catégorique: 'Vous n'avez pas été sur les barricades; donc vous n'avez rien à faire ici, nous vous demandons de quitter immédiatement les lieux!" (Je reproduis de mémoire la substance de mes paroles, il est possible que mon langage ait été moins "diplomatique"). Ils étaient une douzaine devant nous quatre mais, derrière nous, des curieux s'étaient regroupés, sympathisants ou non, alors ils ont pensé que nous étions une quinzaine ou une vingtaine et se sont dégonflés devant notre  détermination (l'un d'entre nous avait enlevé ostensiblement ses lunettes pour montrer qu'on  était prêt à castagner); alors, ils ont rangé leurs affaires et sont partis en menaçant de revenir à  "300 avec des manches de pioche"- "Quand vous voulez, on vous attend!"- ai-je rétorqué. Bien entendu, on ne les jamais revus, mais nous restâmes vigilants et prêts à toute éventualité. II y a eu un problème avec le standard du téléphone: celui qui s'en occupait n'en faisait qu'à
sa tête et on n'arrivait pas avoir les communications avec nos contacts des comités d'usine. Je lui ai proposé alors de le relayer un moment; il s'est cru écarté de cette fonction et est revenu peu après avec 2 ou 3 gars (dont un "recalé" pour aller en province, qui m'avait paru peu sûr et qui avait gardé, par suite, de la rancune à mon égard), menacer de me molester. Ils croyaient n'avoir affaire qu'à un individu, sans se douter de ceux qui étaient derrière. Avertis tout de suite, une dizaine de membres du 3 ème étage, descendent et arrivent; décidés à régler leur compte aux agresseurs; je m'interpose, expliquant clairement la situation au standardiste, en lui proposant de poursuivre sa tâche mais en
branchant directement et en priorité tous nos appels. S'étant rendu compte du rapport de forces, mon discours calme et raisonneur produit son effet, le gars devient tout miel, accepte et promet de remplir correctement cette responsabilité. Je pense avoir fait oeuvre de sagesse révolutionnaire en évitant un affrontement physique; ayant démontré notre fermeté et surtout de ne pas m'être surchargé avec ce nouveau poste. Par la suite, nous n'eûmes plus de problèmes de téléphone. En général, ai-je souvent constaté, il faut appuyer les paroles par des actes pour être bien compris par certains "durs d'oreille".
Nous tenions presque chaque jour une assemblée générale d'occupation de la fac, afin de
traiter toutes les questions qui pouvaient se poser. Nous avions une sorte de comité informel de coordination interne et externe, en relation avec les autres comités d'occupation. A chaque fois, j'insistai sur notre démarche, disant que comme" Monsieur Jourdain (chez Molière: Le Bourgeois gentilhomme), faisait de la prose sans le savoir'', nous "faisions de l'autogestion et de la démocratie directe". J'estimais important d'appeler les choses par leur nom exact, surtout de bien définir notre démarche de base. Autant que possible, nous remplissions toutes nos tâches par rotation, formant des remplaçants, et "papillonnions" à plusieurs entre tous les comités, les usines, la Sorbonne, le 22 mars
à Nanterre, les Beaux-Arts etc., ne rentrant que le soir à Censier pour y manger et dormir.

En revanche, nous ne pûmes éviter deux provocs policières. L'une pas méchante: un gars,
genre étudiant de 3 ème cycle, se présenta un jour, prétendant être envoyé par le Comité d'occupation de la Sorbonne, me déclarant que "là-bas, c'était le bordel, alors que d'après ce qu'il avait entendu dire, à Censier ça marchait très bien"; en conséquence de quoi il voulait que je l'informe sur notre structure et notre fonctionnement. Je lui fis visiter les lieux et lui expliquai le fonctionnement autogéré de l'ensemble. C'est seulement après que j'appris que la Sorbonne n'avait jamais envoyé personne et, par déduction, je compris la nature véritable du personnage. Cela dit, cette petite leçon sur la démocratie directe ne lui fût peut-être pas inutile.

La deuxième fois, ce fut plus important par ses suites. Toujours le Comité d'occupation de la  Sorbonne qui nous contacta en nous demandant d'envoyer des membres de choc pour expulser ceux qu'on avait surnommés les "Katangais", lesquels s'étaient approprié une partie de la Sorbonne. En effet, c'étaient des loubards, dans la tradition des blousons noirs et autres 'en dehors' de la société, que les marxistes appelaient les "lumpen"(prolétaires de la plus basse échelle à leurs yeux), plutôt mythomanes, car certains d'entre eux se disaient anciens parachutistes ou mercenaires lors de la guerre civile du Congo-Katanga, d'où leur surnom. Ils s'étaient bien battus sur les barricades, mais depuis ils squattaient un coin de la Sorbonne et se pavanaient dans les couloirs, faisant des allées et venues avec l'extérieur. On se demandait s'ils n'étaient pas en contact avec la Maison Poulaga, car certains déambulaient avec une carabine à la main (je l'ai vu de mes propres yeux) et disposaient
d'autres armes dans leur local. Ces "mercenaires" de la Sorbonne avaient beaucoup de succès auprès des badauds et surtout des "badaudes" venant les voir de plus près. On craignait que le fait qu'ils aient des armes puisse justifier une intervention de la police et provoquer l'évacuation de la Sorbonne, donc le projet était plausible. On passa une nuit blanche à une trentaine à attendre le signal de l'attaque de leur repaire. Il vînt vers 6 heures du matin et ils furent expulsés manu militari. Le problème, c'est qu'on ne savait pas exactement d'où provenait ce plan d'expulsion. La suite  montra qu'en fait ce devait être une opération "téléguidée", dûment planifiée en haut lieu, car dans l'heure qui suivit, la police intervint et vida la Sorbonne. Deux heures après, ce fût le tour de l'Odéon.
L'opération contre les Katangais avait servi de prétexte pour mettre un terme à ces occupations. Une meilleure solution aurait été d'aller les voir et de s'entendre avec eux sur un modus vivendi, comme je l'avais fait avec le "standardiste" de Censier. Vaut mieux toujours une discussion franche et directe que des manoeuvres de coulisses qui ne peuvent déboucher que sur des embrouilles.

Censier tomba tout seul peu de temps après; par l'évacuation volontaire des occupants,
prenant les devants sur une probable intervention de la police. Absent à ce moment, je constatai avec amertume et déception le saccage délibéré et stupide de notre local par ceux que j'avais chargés de le garder. Heureusement, j'avais évacué depuis plusieurs jours tous mes dossiers de contacts avec les différents comités avec les archives, adresses, tracts et affiches.

LA CGT MET FIN À LA GREVE GENERALE.

II n'est pas inintéressant de faire connaître comment la CGT mît fin à la grève générale de
1968 à Paris d'abord et dans le pays ensuite. Après s'être mis d'accord, en compagnie de ses compères de la CFDT, de FO etc., avec les représentants du patronat et de l'Etat sur une augmentation de 10 °/° des salaires (bouffés en 6 mois par l'inflation!) et sur des prérogatives et privilèges syndicaux: gestion des caisses d'assurance, de retraites et de divers organismes sociaux professionnels, où ils placèrent leurs obligés- et surtout la multiplication de "permanents" (plusieurs dizaines de milliers aujourd'hui), soi-disant employés et payés pour défendre les intérêts des travailleurs. II faut savoir que la CGT a
actuellement 5 fois moins de cotisants qu'à l'époque et cinq fois plus de permanents! C'est-à-dire de bureaucrates payés à rien foutre et servant de troupes de manoeuvres, comme on le voit à chaque manifestation avec les gros bras et les porteurs de pancartes et drapeaux rouges CGT (tous présents sur ordre et pointés : gare aux absents!). Tout ceci sans parler de la "fluidification sociale en espèces" du patronat, découverte récemment mais, selon les informations, qui ne date ni d'aujourd'hui ni d'hier, mais plutôt d'avant-hier! Ce qui en dit long sur ce qui se passe dans les coulisses du "cinéma syndical". Anecdotiquement, citons à ce propos que Arlette Laguiller, inusable candidate de l'organisation trotskyste "Lutte ouvrière" aux élections présidentielles, avec sans cesse "Travailleurs, travailleuses" plein la bouche, a été permanente pendant 26 ans!

Revenons à nos moutons de juin 68: la CGT fit voter le dépôt de bus Lebrun, aux Gobelins, sur la reprise du travail, la majorité des votants s'exprima pour la poursuite de la grève; alors, les cégétistes firent voter un autre dépôt de bus dans le 15 ème arrondissement de Paris (ou par là-bas, la  mémoire me fait défaut), en leur disant que ceux de Lebrun avaient voté la reprise. Par conséquent, ce dépôt dût se plier à cette décision. A ce moment, on fit revoter le dépôt Lebrun en leur annonçant le vote positif de l'autre dépôt. Cette fois-ci, la reprise fut adoptée et les bus recommencèrent à rouler.
Cela servit de signal général: le métro suivit logiquement et tous les grévistes en général aussi – y compris moi-même -, pour ne pas perdre leur boulot. Tout le pays embraya. Le tour était joué et bien joué, le pouvoir et les étatistes furent soulagés de voir terminée cette grève qui n'en finissait pas et le char de l'Etat recommencer à rouler.

 

 

 

 

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